Des annonces, toujours des annonces.

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Depuis la création en 1909 du Bureau des œuvres au Quai d’Orsay qui ajoutait à la diplomatie un volet culturel « l’exportation » de la culture française est soumise à rude concurrence, en particulier par nos voisins anglais, allemands et espagnols, mais aussi chinois et américains qui voient dans la « diplomatie de l’intelligence » ou « soft power » d’énormes avantages. Plus d’un milliard d’euros par an sont dépensés pour financer les centres culturels, les lycées français et l’audiovisuel extérieur. Et pourtant, les critiques visant l’action culturelle extérieure de la France « diminution des crédits », « perte d’influence », « démotivation des agents », « panne de stratégie » reviennent comme des antiennes.

Le ministre des Affaires étrangères, vexé en janvier dernier, d’être accusé par la presse de négligence envers notre diplomatie culturelle a fait le pari de résoudre tous les problèmes avec l’annonce de la création d’une Agence culturelle regroupant les principaux domaines de l’action culturelle extérieure (langue, éducation, formation, arts) et ses principaux vecteurs (centres, instituts, conseillers culturels). Cet établissement public, baptisé Institut français, créé par une loi et placé sous la tutelle du Quai d’Orsay devrait être doté d’une autonomie financière et juridique lui permettant de lever des fonds et de coordonner ses initiatives. Ni l’Agence de l’Enseignement du Français à l’Etranger (AEFE) ni l’Alliance française (organisme de droit local) n’en feront partie. Le flou subsiste quant à l’inclusion d’Egide (120 millions d’euros pour l’accueil des boursiers étrangers) et CampusFrance (8 million d’euros pour la promotion des études supérieures en France).

Un comité de pilotage composé de trois personnes Yves Saint Geours, Xavier North et Olivier Poivre d’Arvor et un comité de vingt cinq personnes ont commencé à auditionner les principaux acteurs chargés des relations culturelles de la France avec le reste du monde. Le concept d’une Agence n’est pas nouveau puisque Douste-Blazy, alors ministre des Affaires étrangères, avait déjà lancé l’idée. Il est vrai que les projets avancent doucement au ministère puisque Culturefrance, que dirige aujourd’hui Olivier Poivre d’Arvor, a toujours le statut d’association deux ans après sa création et n’a pas encore été transformé en EPIC. Il est difficile d’aller contre une idée simple ou qui se présente comme telle, dont les objectifs risquent fort d’être limités aux effets positifs de l’annonce. Compte tenu des réalités du réseau et de l’évolution de la coopération culturelle internationale, la formule d’une agence parisienne indépendante et omniprésente pourrait se révéler une fausse bonne idée. L’enveloppe globale est impressionnante mais l’effondrement des moyens dans les postes est réel et l’absence d’une stratégie cohérente bien trop évidente. On peut craindre aussi que la création d’une agence accélère la chute des moyens. On voit mal le ministère se mettre à défendre les crédits d’un outil qui ne lui appartient plus alors qu’il a perdu toutes les batailles budgétaires en ce domaine quand il en avait le contrôle. Enfin, un directeur d’Institut français ne manquerait pas d’indiquer à son ambassadeur que son employeur est à Paris et ainsi voir s’exacerber les reproches adressés à l’AFAA puis à Culturefrance sur leur politique parisianiste et souvent en décalage avec les besoins du terrain.

Depuis l’atelier organisé en mars dernier nous travaillons à la formulation de propositions pour la FFE. Nous nous concentrons sur la gestion des activités et les ressources humaines, propositions qui pourront être reprises quelle que soit la décision finale sur la création d’une Agence. D’autres propositions, comme la création de Maisons de la Culture europénne, valent la peine d’être étudiées. Nous avons aussi demandé un moratoire sur les moyens (crédits et postes) dans une motion votée à l’unanimité par le Bureau Fédéral. Ce travail est rendu difficile par l’incertitude qui règne. Alors, attendons le mois de juin et son probable remaniement ministériel pour voir ce qu’il adviendra de l’annonce qui risque fort de tomber une deuxième fois dans l’oubli.

Hélène Conway

Membre du Bureau Fédéral


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