Mon déplacement en Uruguay (mars 2015)

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"Le courage remplace la mélancolie"

Quatre jours de travail en Uruguay à la rencontre de la communauté française mais aussi à la rencontre de la France elle-même. En effet, je ne devinais pas, avant d’arriver dans ce pays, l’intensité des liens qui nous unissent à lui depuis le XIX siècle. Les Français – et la communauté basque et béarnaise surtout – y sont arrivés avec leurs idées telle la laïcité, avec une générosité spontanée qui a amené nos compatriotes expatriés à s’engager massivement pour assurer la défense de la jeune Republique contre l’Argentine en 1843. A cela s’est ajouté le système éducatif, le code Napoléon qui ont fructifiés tandis que, répondant au vœu de la France, ce pays fut le premier à décréter la création d’une commission gouvernementale visant à célébrer le bicentenaire de la Révolution française. Il fut aussi le premier pays du monde à reconnaître officiellement le gouvernement de la France libre dès son installation à Alger à la fin de l’année 1943.

Les valeurs républicaines sont très fortes dans ce pays qui a connu la dictature et deux crises économiques majeures. Les responsables politiques au pouvoir aujourd’hui ont pour la plupart connu la prison et parfois la torture. Ils ont su construire – sur ce passé douloureux, grâce peut-être à celui-ci – une grande coalition de 21 partis de gauche qui leur permet d’être au pouvoir depuis 14 ans. J’étais moi-même curieuse de voir comment cette coalition, qui va de l’extrême gauche au centre depuis 44 ans gouverne et se régénère. Un modèle à suivre en cette période électorale!! Ce pays est ainsi devenu une référence sur le continent grâce à son fonctionnement démocratique, son dynamisme culturel et scientifique et ses performances économiques. Le taux de pauvreté a fortement diminué depuis 2005 en passant de 40% à 12% et le taux de chômage à 6%, le chômage ayant cependant cédé la place au sous-emploi. Images contrastées mais vivantes.

Mon déplacement, s’il comportait deux volets (la rencontre avec les Français et les enjeux de notre relation bilatérale), m’a surtout permis de constater la vivacité de cette relation particulière qui nous unie. Si François Mitterrand est dans mon Panthéon intime, je repense cependant aux propos de Jacques Chirac lors de la visite officielle qu’il fit ici en 1987. « L’Uruguay – déclarait-il alors –  véritable poumon et cœur du Mercosur, et la France, artisan inlassable de la construction européenne et du rapprochement entre nos deux grands ensembles, ont toutes les raisons de vouloir construire conjointement un monde meilleur. Un monde de démocratie, de paix. Un monde plus juste, où le développement économique profite à tous. Ce monde rêvé par Lautréamont où, je le cite : "le courage remplacerait la mélancolie, la certitude, le doute, l’espoir, le désespoir" ; ce monde qu’ensemble, l’Uruguay et la France doivent avoir la volonté de construire pour que nos enfants sachent que notre unique raison d’agir a été de leur léguer un avenir meilleur ».

Cette vision commune du monde, cette mémoire, je la retrouve chez mes interlocuteurs. Ceux réunis par notre ambassadeur Sylvain Itte que j’ai le plaisir de revoir et qui à l’occasion du premier rendez-vous de       " Goût de France- Good France" réunit à l’ambassade de nombreux responsables politiques uruguayens dont le Vice- Président Raúl Sendic et le vice-ministre des affaires étrangères José Luis Cancela Gomez qui souhaite ouvrir le vote aux uruguayens de l’étranger. L’expérience de la réforme que j’ai portée sur la création des conseils consulaires l’intéresse. C’est encore une fois l’occasion d’une discussion sur la diaspora, son rôle dans l’identité d’un pays et son apport à celui-ci, moralement, politiquement, culturellement,  économiquement. Le lendemain, les ambassades et associations de pays appartenant à l’Organisation Internationale de la Francophonie célébraient quant à elles la fête de la francophonie. L’occasion de retrouver chez mes interlocuteurs ce plaisir d’une langue et donc d’idées communes. La rencontre enfin de Monica Xavier. Elle m’a profondément marquée. Animant le parti socialiste dans la clandestinité durant les douze années de la dictature militaire, elle a notamment été la première femme sénatrice. Je suis sensible, en tant que vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, en tant que militante, à son engagement, à sa chaleur aussi mais surtout à sa volonté, inflexible, une volonté qui sait la force des idées et de l’engagement dans les circonstances les plus dures. Le régime militaire. Je ressens chez tous mes interlocuteurs une volonté farouche de faire que l’avenir soit meilleur, pour tous, en combattant les inégalités.

Sur le plan culturel, j’ai apprécie le Lycée français Jules Supervielle et l’Alliance française qui sont de belles institutions. Chacune d’entre elles traverse certes une phase de renouvellement et a besoin d’un nouveau dynamisme. J’y ai consacré quelques heures à la recherche de solutions avec les équipes en place. Je sais aussi que le travail doit être collectif, se faire dans la transparence et suivant des objectifs clairs qui permettront de répondre au mieux à la demande des Uruguayens toujours très francophiles. Ils demeurent aussi le témoignage de la longue présence française à Montevideo.

J’ai également visité l’institut Pasteur, un des 31 instituts dans le monde, guidée par Christophe Desseaux et Guillermo Dighiero que je retrouverai bientôt à Paris comme ambassadeur d’Uruguay en France. Un francophile lui aussi qui fit ses études à Paris et y demeura pendant la dictature. La reconversion de la dette uruguayenne envers la France reconvertie en financement pour la création de l’institut a permis son ouverture en 2006. Les équipements et les équipes de chercheurs qui viennent du monde entier sont remarquables. La recherche fondamentale et ses applications suivant le précepte pasteurien reposent sur 4 objectifs: la création de plateformes de haute technicité, la création de laboratoires ouverts aux jeunes scientifiques, la création d’un centre d’enseignement et la créations d’entreprises de biotechnologie. Ce modèle de coopération au rayonnement régional permet à nos deux pays de s’intégrer davantage dans la société de connaissance et d’être ensemble plus forts.

Après la mémoire et la recherche, la vie et l’action de notre communauté, de nos élus. La rencontre avec les conseillers consulaires Régine Chouchanian et Martin Biurrun et des représentants de la communauté française nouvellement arrivés ou installés de longue date ; un jeune chef d’entreprise qui assemble des drones dont les pièces lui proviennent de plusieurs pays grâce à une imprimante 3D et emploi une quarantaine d’ingénieurs … français ; une jeune femme qui n’a de cesse de réunir ce qui est épars en ouvrant sa table d’hôtes pour que tous se rencontrent en ravissant leurs palais. Des parcours créatifs et vifs dans une communauté  dynamique avec ses 3000 inscrits au consulat.

Et puis parce que le monde est plus long que large, j’ai croisé mon ami Plantu. Il venait travailler avec ses homologues caricaturistes de Cartooning for Peace et réfléchir avec eux à la place politique du dessin dans un monde dominé par l’image et l’instantanéité de la communication. Le courage doit remplacer la mélancolie. Pour les journalistes aussi.

 

 

 

 


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