Retour en France : ma réponse au Président délégué de l’Union des Français de l’étranger

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Réponse à la réaction du président délégué de l’UFE à la publication du rapport.

Monsieur l’ambassadeur, Monsieur le président délégué,

Permettez-moi, en premier lieu, de vous féliciter pour votre nomination. Je vous savais ambassadeur, brillant et disponible. Je vous découvre président délégué de l’Union des Français de l’étranger. Je ne doute pas que vous sachiez mettre demain votre longue expérience diplomatique au service de l’UFE et des Français établis hors de France. 

Je retrouve dans votre réaction à la publication de mon rapport votre expression franche et directe. J’en retiens surtout la vision politique que vous articulez très clairement pour la première fois alors que votre association s’est jusqu’alors cachée derrière un apolitisme qui ne convainquait personne. Je vous remercie donc pour cette clarification que vous exprimez enfin sans retenue.

Nous n’avons pas, de toute évidence, la même approche du rôle de notre modèle social, ni de notre service public. Ceci nous amène naturellement alors à appréhender différemment les problèmes que rencontre cette communauté que nous servons. 

Ceci étant rappelé, permettez-moi de revenir  sur un certain nombre de points relevés dans le rapport remis au Premier ministre que vous avez identifiés comme « problématiques » ; ce qui me laisse à penser que vous approuvez les autres et que somme toute, ce travail a plus de profondeur et de rigueur que certains voudraient le laisser supposer. Et puisque l’UFE conseille aussi les Français de retour en France, je ne doute pas qu’elle en fasse bon usage. 

Vous déplorez tout d’abord l’absence de données fiables sur le nombre de Français résidant à l’étranger, ce qui affaiblirait selon vous les constats dressés par le rapport. Cette remarque m’inspire deux réactions. Il est certes regrettable de ne pas disposer de données fiables, mais quelle méthode le rapport aurait-il dû suivre au juste ? A plus long terme, que proposez-vous pour disposer d’un recensement statistique fiable des Français de l’étranger ? En dehors des problèmes d’acceptabilité posés par une telle mesure, rendre obligatoire l’inscription sur les listes consulaires serait une mesure impossible à mettre en œuvre et donc vraisemblablement inutile. Sans doute est-ce pour cela que vous ne l’envisagez pas.

Vous me reprochez ensuite de ne pas avoir cherché à connaitre les motifs pour lesquels les Français quittent la France  Vous avez raison. Il n’y a pas retour sans départ préalable. L’argument est imparable. Oubliant ceux dont la bi-nationalité ou la naissance à l’étranger peut les amener à ne jamais avoir résidé en France, tout en les conduisant à le désirer un jour, je remarque tout de même que l’opposition a choisi  de traiter largement cette question depuis 2012 par différents travaux telle que la commission d’enquête sur « l’exil des forces vives ». Sensible au travail déjà réalisé, j’ai souhaité m’intéresser à ce qui n’avait pas encore été traité : le retour ! Parce que la vie est dans le mouvement, j’ai préféré m’inscrire dans la mobilité telle qu’elle est vécue, en étant à l’écoute de ceux qui la vivent plutôt que dans la dénonciation d’un mouvement dont nous savons intimement l’un et l’autre ce qu’il apporte à la France.

Pour ce qui est enfin des propositions thématiques : 

La délivrance d’avis de non-imposition : vous semblez ignorer qu’elle permet d’obtenir un certain nombre d’avantages fiscaux et sociaux. Délivrer des avis de non-imposition à toute personne de retour de l’étranger n’ayant pas été imposée en France pendant son séjour à l’étranger reviendrait à ouvrir droit au bénéfice de ces avantages à tous les Français de l’étranger, indépendamment de toute condition de ressource, puisque ne seraient pas pris en compte les revenus perçus à l’étranger et non imposés en France. Cette remarque traduit une profonde méconnaissance de ce qu’est un avis de non-imposition.

S’agissant des propositions faites en matière de logement, le rapport tente d’éclairer les Français propriétaires de leur logement sur les modalités selon lesquelles ils peuvent le mettre en location dans des conditions adaptées à leur situation au cours de la période passée à l’étranger. L’objectif est ici de démontrer qu’il est faisable et souhaitable de conserver son logement lorsque l’on en est propriétaire, afin de ne pas les inciter à le vendre en cas de départ à l’étranger non définitif. D’autre part, le rapport formule de nombreuses propositions qui sont étonnamment passées sous silence, notamment la nécessité de permettre la prise en compte par le bailleur des ressources perçues à l’étranger notamment, ce qui répond à une grande demande des Français. 

Assurance-maladie : là encore, ce rapport établit que les Français concernés par le délai de carence de trois mois sont minoritaires, et qu’il s’agit là plus d’une crainte que d’une situation fréquemment observée. Les CPAM se sont vues donner pour consigne de prêter attention à la situation des familles en grande précarité de retour de l’étranger. Il est alors dérogé à ce délai de carence. Vous le savez. Une règle ne vaut que par les exceptions qu’elle supporte. Et bien c’est le cas. Enfin, la suppression pure et simple de ce délai de carence pour les seuls Français serait discriminatoire et frontalement contraire aux engagements européens de la France.

Ecole : vous préférez proposer que soit mise en place une dérogation pure et simple à la carte scolaire, pour permettre aux Français de retour de s’inscrire où ils le veulent, et vous trouvez que la domiciliation en mairie ne va pas assez loin. Je me suis attachée à ne pas créer de catégorie à part qui avantagerait les Français arrivant de l’étranger et serait mal acceptée par le reste de la population. La proposition du rapport de domiciliation en mairie au retour vise à concilier équité et pragmatisme et surtout à lever tout blocage aux démarches. 

Vous vous insurgez enfin contre la radiation automatique des Français des listes électorales consulaires lors de leur désinscription du registre alors que certains continuent à résider à l’étranger. J’ai quelques scrupules à vous  rappeler, Monsieur l’ambassadeur, alors que vous avez dirigé pendant cinq ans la direction des Français à l’étranger et des étrangers en France, que les Français doivent renouveler leur inscription au registre tous les cinq ans quelle que soit leur situation, et effectuer les diligences nécessaires pour voter sur leur lieu de résidence. L’absence de radiation de la liste consulaire engendre pour les Français concernés plus de désavantages que d’avantages : comme l’a relevé le Conseil constitutionnel lors des deux derniers scrutins présidentiels, nombre de Français rentrés de l’étranger sont demeurés inscrits sur la liste consulaire à leur insu, et n’ont pu voter en France que grâce à la mise en place d’un dispositif d’urgence particulièrement peu satisfaisant.

Voilà. Je partage avec vous la certitude qu’un meilleur fonctionnement des services de l’Etat aiderait in fine également nos compatriotes à, sans doute, mieux gérer leur retour en France. C’est bien parce que notre modèle social a un coût que le désir de le préserver a mené ce gouvernement à faire les efforts nécessaires à sa modernisation. En fin de compte, Monsieur l’ambassadeur, Monsieur le président délégué, il me semble, à vous lire, que le seul point sur lequel je me sépare radicalement de vous soit celui par lequel vous concluez votre billet ; l’idée que la meilleure des assistances soit celle qu’un prestataire affilié à une association d’intérêt public puisse offrir aux Français expatriés, fut-ce à « 89 euros par mois ». Je crois trop en la qualité, en la compétence et en la disponibilité de nos consuls et de de nos agents, tant à l’étranger qu’en France, pour imaginer qu’une fois encore la seule réponse possible soit celle du secteur privé et de l’externalisation des compétences. L’Etat n’est pas qu’un coût, il est aussi un service au bénéfice du plus grand nombre. 



Hélène Conway-Mouret


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