La déroute du Labour en Irlande doit nous servir d’exemple

Partager cet article

Les élections irlandaises du 26 février n’étaient pas qu’un test pour le gouvernement sortant du Taoiseach (Premier ministre) Enda Kenny. Ce fut  également une épreuve électorale pour les politiques imposées à ce pays par les autorités européennes à partir de 2010. En effet, la politique menée par la coalition sortante, qui regroupait le Fine Gael du premier ministre et les Travaillistes du Labour, n’a pas été celle du programme de ces partis lors des précédentes élections mais celle imposée par la troïka (BCE, FMI, Commission européenne). 

Le Labour irlandais a subi ce 26 février 2016 une débâcle historique. Avec 6,67 %, les Travaillistes réalisent le troisième plus mauvais score de son histoire, le pire depuis 1987. Il perd près de 13 points en cinq ans et n’aura que 6 élus, un seul de plus que l’Alliance contre l’Austérité. Certes, le Labour irlandais n’a jamais vraiment percé dans le pays, bloqué par un Fianna Fáil qui a toujours été perçu comme le parti de la classe moyenne et ouvrière. Il a toujours été très « centriste » et l’ennemi traditionnel du Fine Gael. Mais 2011 et l’éclatement de ce dernier avait donné une chance historique au Labour. Avec 19,5 %, il réalisait alors son meilleur score depuis 1922 et parvenait à séduire les déçus du Fianna Fáil sur un programme anti-austéritaire. Malheureusement il a bradé cette chance en s’alliant avec Enda Kenny. Pour beaucoup de ses électeurs, le Labour n’a pas su jouer suffisamment son rôle d’amortisseur de la politique d’austérité du gouvernement.

Sur les « premières préférences » (les Irlandais établissent des votes par ordre de préférence), le Fine Gael et le Labour obtiennent respectivement 25,52 % et 6,61 %. Ces 32,13 % des voix représentent un recul de 23,6 points. 43 % de l’électorat de la coalition en 2011 l’ont abandonné vendredi dernier. Certes, le Fine Gael demeure la première force d’Irlande, mais c’est une bien piètre consolation : il revient sous son score de 2007, à un niveau assez traditionnel. 

Le premier enseignement de l’élection est que la croissance du PIB ne suffit pas à effacer les effets négatifs de l’austérité. Une économie exemplaire ne garantit pas un sauf-conduit au pouvoir en place. Le Labour a été sévèrement sanctionné car on lui reproche de ne pas en avoir assez fait. Il a été débordé sur sa gauche, ce qui n’a cessé de l’affaiblir. En effet, la gauche radicale avec le Sinn Féin, les Verts et l’Alliance contre l’austérité, obtient le plus haut score de son histoire dans ce pays très conservateur : 20,52 % des voix contre 14 % en 2011.

Enda Kenny a commis une erreur fondamentale en niant cette situation et en centrant son discours sur la « poursuite de la reprise », alors que la majorité des Irlandais vivent encore un quotidien marqué par des problèmes de logement et d’endettement important des familles. Ils ne voient pas les effets, sur leur quotidien, ni de la reprise économique ni de la croissance irlandaise. Seule la diminution du chômage leur donne quelques espoirs passé de 16.5% à moins de 10%.

Le sort du Labour irlandais peut être une leçon pour la sociale-démocratie européenne. Lorsque cette dernière refuse d’incarner une alternative aux politiques libérales de centre-droit, mais au contraire, se fait son bras armé et son allié, elle doit être prête à en payer le prix. Les Verts puis le parti des Progressive Democrats ont connu de pires destinées en disparaissant tout simplement après une période de coalition au pouvoir avec Fianna Fail, sans aucun élu lors des élections suivant leur temps au Gouvernement.  


Partager cet article