Benalla : une affaire d’État

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 Tout est parti d’un comportement inacceptable de la part d’un individu pendant une manifestation. Au vu de la gravité des faits, il aurait dû être sanctionné par son employeur par le biais d’une procédure administrative et judiciaire. Aujourd’hui il n’y aurait pas d’ « Affaire Benalla » si ce qui s’applique au citoyen salarié « ordinaire » s’était appliqué à ce collaborateur indélicat qui ne désirait qu’aider les forces de l’ordre ! 

Dans ces conditions, le Parlement français est dans son rôle lorsqu’il décide de mettre en place une commission d’enquête. Que cela plaise ou non, le Parlement français, à l’image du Parlement de Westminster depuis la mort du Roi sous Cromwell, a par nature une double fonction :  contrôler l’exécutif et voter le budget. Ainsi, rien de ce qui touche à la Couronne – fut-elle républicaine depuis 1789 en France – ne peut et ne doit rester ignoré du Parlement. C’est bien le cas lorsque l’employeur (et le signataire du contrat de travail), comme dans l’affaire qui nous occupe, est le directeur de cabinet du président de la République.

Ajoutons que ce qui choque spontanément, ce sont autant les faits que leur dissimulation par le pouvoir exécutif. Avec cette affaire, la France découvre ce que les Américains ont ressenti avec l’affaire Lewinski : le rôle du mensonge en politique et son degré d’acceptation (ou non) par la société, celui-ci étant d’autant plus grand lorsqu’il touche à la sécurité du Prince.

Depuis le début des auditions, nous ressentons un malaise grandissant face à des personnalités de haut rang qui ne savent rien, n’étaient au courant de rien et pour certaines mentent outrageusement alors qu’elles s’expriment sous serment. Je pense à ces responsables qui assurent ne rien savoir et ne rien connaitre de la vie et des fonctions de ce Mignon (au sens où l’on qualifiait au XVèmesiècle le confident du Roi) alors qu’ils le saluaient et le rencontraient régulièrement, ce dont les nombreuses photos produites attestent.

Une certitude commence cependant à poindre : celle d’une grave erreur qui a été cachée plutôt que d’appliquer à l’individu les sanctions qui lui revenaient. Et là commence le questionnement de ce qui peut justifier un tel traitement et susciter une telle protection. On découvre alors que monsieur Benalla n’était pas chargé de la sécurité du Président mais ne le quittait pas pour autant ; qu’il était armé ; qu’il bénéficiait d’une voiture et d’un téléphone de service, d’un appartement ; qu’il n’a pas fait de déclaration de patrimoine pourtant obligatoire et acte symbolique de cette République exemplaire ; qu’il a été promu à des grades élevés de façon surprenante ; qu’il faisait figure d’autorité ; qu’il entrait librement à l’Assemblée nationale, pour faire du sport comme il le dit ou garder un œil sur les députés turbulents ? Chaque jour apporte de nouvelles déclarations et des témoignages contradictoires des personnes interrogées.

Admettons-le : avec rigueur, sérieux, méthode et sans passion, la commission d’enquête sénatoriale présidée par Philippe Bas permet de comprendre ce qui ne fonctionne pas au sommet de l’Etat. Si le Président ne peut être tenu responsable, protégé par la Constitution, il n’en reste pas moins contraint de faire respecter les lois de la République par son entourage. Il nous a promis une République exemplaire. Elle doit commencer à s’appliquer à son premier cercle. Critiquer la presse, qui a permis de dévoiler ce qui jusqu’alors avait été tenu secret, est une erreur car cela place le Président dans la catégorie des « Trump ». Menacer les députés qui sont tentés de « sortir du rang » illustre le peu de respect dans lequel il tient son armée parlementaire. Enfin, on nous dit que la France, depuis un an, est dirigée comme une entreprise. C’est vrai dans la verticalité des décisions ; cela l’est moins dans la rigueur et la déontologie des règles de gouvernance du Medef, qui s’y appliquent.


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