« À quoi sert un sénateur de l’étranger? », je réponds pour le blog FemmExpat

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Je suis toujours heureuse de pouvoir partager mon expérience de sénatrice représentant les Français de l’étranger. En effet, alors que les « Français de l’extérieur » bénéficient d’une représentation au Conseil de la République depuis 1946, notre rôle demeure encore mal connu. J’ai répondu aux questions de FemmExpat :

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Nous poursuivons notre grande série sur les institutions des Français de l’étranger et nos pas nous amènent maintenant vers un lieu si central pour nous qu’on l’appelle parfois la maison des Français de l’étranger.

Et c’est bien normal, puisque le Sénat a longtemps été le seul lieu de la représentation politique des Français de l’étranger. Les sénateurs sont donc pour nous des interlocuteurs essentiels. Pourtant, ils reconnaissent facilement qu’il n’est n’est pas évident de représenter les Français de l’étranger.

Enquête au sein des ors du Palais du Luxembourg avec des élus ouverts et déterminés.

L’essentiel

  • Sur 348 sénateurs, 12 représentent les Français établis hors de France.
  • Ils sont élus pour 6 ans au suffrage universel indirect par les conseillers consulaires.
  • En 2019 :
    • 7 d’entre eux appartiennent au groupe Les Républicains
    • 3 au groupe Socialistes et Républicains
    • 1 au groupe Union du Centre
    • 1 au groupe La République en marche

Nos trois Cicéron :

– Hélène Conway-Mouray, Vice-Présidente du Sénat, PS – (Découvrez son portrait ici)

– Olivier Cadic, sénateur UDI

– Damien Regnard, sénateur Les Républicains – (Découvrez son portrait ici)

A quoi sert un sénateur de l’étranger ?

Damien Regnard le résume ainsi : « communiquer, communiquer et communiquer ». Avec tous ses collègues, il insiste aussi : « servir nos compatriotes. »

Entrons dans les détails.

1. La mission première des sénateurs des Français de l’étranger est d’évaluer l’impact des changements législatifs pour les Français de l’étranger et de défendre leurs droits.

Ils attirent l’attention de leurs collègues sur l’impact qu’aura une loi sur les Français de l’étranger. Une mission difficile car il n’est pas toujours évident d’anticiper toutes les conséquences d’un amendement d’une loi mineure. Il est donc indispensable de travailler en équipe.

2. Les sénateurs sont aussi les porte-voix des Français établis hors de France.

Ils interpellent le gouvernement notamment lors des questions d’actualité.

Damien Regnard nous en donne trois exemples récents :

  • les problématiques des fonctionnaires détachés qui reviennent en France dont les prestations sociales sont liées aux revenus antérieurs en expatriation et non sur ceux au retour,
  • la CSG-CRDS, supprimée sous la contrainte de l’Europe pour les Français résidant en Europe mais pas dans le reste du monde.
  • la carence de sécurité sociale de trois mois pour les Français de retour.

À titre d’exemple, Hélène Conway-Mouret a interrogé les membres du gouvernement au sujet du devenir de la section consulaire du Luxembourg, la réforme de l’AEFE, la situation des recrutés locaux, ou bien la protection sociale des étudiants français à l’étranger.

3. De façon très pratique, les sénateurs sont souvent saisis pour intervenir sur des dossiers concrets, notamment sur des questions de droit familial.

Hélène Conway-Mouret nous confie recevoir plus de 200 mails par jour et répondre à tous avec son équipe.

4. Leur mission de diplomatie politique consiste également à faire la promotion de la France en créant des liens directs avec des parlementaires étrangers.

Par exemple, Damien Regnard, établi aux Etats-Unis, met son réseau de parlementaires américains au service du Président du Sénat pour porter des dossiers et faire avancer des projets bilatéraux. Hélène Conway-Mouret est présidente de 2 groupes d’amitié bilatéraux (France- Caraïbes et France – Bénin). Elle est utile dans la relation bilatérale avec la République d’Irlande, notamment sur le dossier « Brexit ».

5. De façon plus discrète, les sénateurs participent au rayonnement de la France sur des causes humanitaires.

C’est ainsi qu’une sénatrice soulève des montagnes pour les femmes yezidies, qu’un sénateur se bat pour les Français prisonniers à l’étranger ou qu’Hélène Conway-Mouret lutte depuis des années contre l’excision et le mariage forcé des jeunes filles.

6. Un sénateur peut contacter les entreprises et le Sénat peut saisir une administration en direct, voire même l’Elysée.

7. Les sénateurs sont une référence pour les gens qui s’intéressent à la question des Français de l’étranger.

Des colloques sont ainsi régulièrement organisés au Sénat autour des Français de l’étranger, à l’exemple de celui qui s’est tenu en 2015 à l’initiative d’Hélène Conway-Mouret intitulé « Les Français à l’étranger, un atout pour la France », qui a donné lieu à un livre électronique. Ce rapport a permis plusieurs avancées très concrètes, notamment la création d’un simulateur pour le retour en France.

Comme le conclut Damien Regnard :  « les 12 sénateurs, quand ils sont dans les murs, sont solidaires. On n’est pas dans la politique politicienne et on vote d’un seul homme sur les sujets concernant les Français de l’étranger. On travaille ensemble sur des problèmes de visa, d’éducation, des demandes de simplification pour les certificats de vie… C’est la politique transpartisane telle que la veulent les Français. Il faut bien le mettre en avant. »

Un rôle parfois frustrant

Tous les sénateurs que nous avons rencontrés ont reconnu être passés par une phase de découragement en découvrant la réalité du fonctionnement des institutions. Olivier Cadic confie avoir hésité à renoncer au bout d’un an de mandat.

Damien Regnard le résume ainsi : « Comment voulez-vous qu’on soit écouté quand nos électeurs ne s’intéressent pas aux questions françaises, et notamment qu’ils votent si peu ! Au Sénat, les territoires ruraux sont sur-représentés et nos dossiers complexes ne sont pas prioritaires. Nous devons lutter contre une image souvent caricaturale de nos électeurs, vus comme des exilés fiscaux ou des gens qui se désintéressent de leurs pays. » Et à l’inverse, l’indifférence envers les professionnels de la politique grandit et notamment envers chez les Français de l’étranger qui connaissent mal le rôle est de leurs élus.

S’approchant de la fin de son mandat, Olivier Cadic a l’impression maintenant de maîtriser les arcanes du Palais du Luxembourg. S’il veut faire un second et (affirme-t-il) dernier mandat, c’est « pour développer à plus large échelle la façon de travailler en réseau qu’il a mis au point jusqu’ici. » Selon lui, « les Français de l’étranger peuvent être des ferments de changement dans une société française difficile à réformer ».

Comment et pourquoi contacter directement le sénateur ?

Les Français de l’étranger du coup ont facilement recours à leurs élus. En cas de difficulté, ils contactent en priorité les conseillers consulaires car ce sont des élus de proximité. Ils se tournent aussi vers les sénateurs car leur prestige et leur réseau leur permettent de débrouiller des situations inextricables.

Mais puisque les sénateurs de l’étranger ne sont pas liés à une circonscription précise, comment choisir celui que je vais saisir ? En fonction de sa notoriété ? De sa couleur politique ? De son pays de résidence ?

Damien Régnard conseille de repérer les sujets qu’ont traités les élus et les commissions auxquelles ils appartiennent et de choisir celui qui semble le plus spécialisé dans le domaine qui vous concerne.

Alix Carnot

Portrait Alix Carnot

 

Alix Carnot est Directrice Associée chez Expat Communication, l’éditeur de FemmExpat et Expat Value – Auteur de Chéri(e) on s’expatrie, guide de survie à l’usage des couples expatriés.

 

 


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