Mes déplacements à Calais et à Nice

Partager cet article

La « crise des migrants » suscite naturellement de nouvelles questions, allant au-delà de la problématique classique de la définition de la politique migratoire appropriée.

Au sein de la délégation au droit des femmes, il a donc été décidé d’approfondir la question des risques de traite des êtres humains liés à « la crise des migrants ».

Je serai co-rapporteure d’un texte sur ce sujet au mois de Février prochain.

Pour se nourrir de la réalité des différentes situations dramatiques que subissent les femmes, nous venons d’effectuer deux déplacements, à Calais et à Nice, afin de mesurer ces drames humains qui se jouent au quotidien.

Calais : un enfer pour des migrants particulièrement vulnérables

Lieu de transit incontournable pour les personnes cherchant à rejoindre le Royaume-Uni, Calais et le nord de la France connaissent depuis 25 ans une présence importante de migrants.

Le nombre de migrants a considérablement augmenté en 2014 et 2015. Il n’y a pas de recensement officiel mais la CNCDH estime qu’au début du mois de juillet il y avait entre 2500 et 3000 migrants présents dans les camps de Calais. L’association France Terre d’Asile a précisé que l’été 2015  a favorisé une arrivée massive de personnes, dont le nombre était estimé à 6242 en octobre 2015. Lors de la visite de la Délégation, ce nombre était évalué entre 3800 et 4200 personnes à Calais.

La «jungle » de Calais regroupe plusieurs nationalités qui cohabitent mais se regroupent par zones géographiques au sein des camps : Afghanistan, Syrie, Irak, Soudan, Erythrée, Egypte, mais également Vietnam. Sept camps sont identifiés à Calais : quatre le long de l’autoroute menant à Calais et trois le long de l’autoroute menant à Dunkerque. Le camp le plus important est appelé la « new jungle » par les migrants, la « lande » par les pouvoirs publics, et le « bidonville » par les associations locales.

Une vision épouvantable saisit toute personne qui découvre le camp principal : les milliers de migrants sont dans une sorte de décharge à ciel ouvert, dans le dénuement le plus total. Aucune femme n’ose s’y aventurer.

Lors de notre visite, des containers –manifestement sans fenêtres- étaient installés en vue d’accueillir 1500 personnes, familles et hommes isolés, devant s’ajouter aux 400 femmes et filles accueillies dans une zone sécurisée dans le centre Jules Ferry.

La situation des femmes et des jeunes filles

Lors du déplacement du 11 janvier 2016, les responsables associatifs rencontrés ont indiqué la présence de 1000 femmes, tous camps confondus, et 120 jeunes filles. Mais en traversant le camp on ne les aperçoit pas, car elles restent cachées à l’intérieur des tentes, souvent avec le reste de la famille. On comprend facilement qu’elles n’osent s’aventurer seules dehors, tant le climat d’insécurité est fort et pesant dans cette zone de non droit où des milliers d’hommes circulent.

La question de la traite des êtres humains au sein des camps de migrants est malheureusement une réalité déjà tangible, ayant incité associations et pouvoirs publics – français et britanniques- à s’organiser pour lutte contre le phénomène.

Comme l’indiquait France Terre d’Asile dans sa contribution à la table ronde du 25 novembre 2015, la hausse importante du nombre de migrants dans la région depuis janvier 2014 et la forte exposition de certains migrants au risque de traite a conduit le Ministère de l’Intérieur, en lien avec les autorités britanniques, à renforcer l’aide apportée à ces victimes. En ce sens, France terre d’asile a proposé la mise en œuvre d’un projet d’identification, d’information et d’orientation des victimes de la traite des êtres humains dans le Calaisis sur une période de 18 mois.

Les témoignages recueillis sur le camp lors de la visite du 16 janvier 2015 ont confirmé ces analyses : ont été évoqués les cas de femmes qui du jour au lendemain ont été repérées fréquemment la nuit dans les bars fréquentés par les hommes du camp. Certaines ont dû gérer des infections à répétition, la contraction de maladies sexuellement transmissibles, voire plusieurs interruptions volontaires de grossesse.

Nice, l’exemple d’une association qui œuvre pour la défense des femmes victimes de la traite

La question de la traite n’est pas ignorée par les acteurs institutionnels ou associatifs qui sont amenés à entrer en contact avec les demandeurs d’asile.

L’exemple de Nice et du département des Alpes maritimes est particulièrement exemplaire en matière de coordination et de sensibilisation des acteurs au problème de la traite des êtres humains.

Lors de la réunion organisée à l’occasion de notre déplacement à Nice, le 15 janvier dernier, à l’invitation de l’association ALC, une trentaine d’acteurs étaient présents, y compris les représentants de l’OFFI, des services de police, de la gendarmerie, ou les différents acteurs associatifs. Les représentants de la préfecture ont souligné la qualité des dossiers présentés par les victimes de traite, demandant à pouvoir bénéficier du dispositif prévu par l’article L.316-1 du CESEDA. L’accompagnement réalisé par l’association ALC a été déterminant pour la recevabilité immédiate des demandes déposées à ce titre.

 

En 2014, 10 cartes de séjour temporaire « vie privée et familiale », valables un an, ont été délivrées. Ce chiffre est passé à 17 en 2015, avec également la délivrance d’une carte de résident valable 10 ans.

Au regard de tous les témoignages apportés, il nous est apparu préférable d’écarter l’option de délivrance d’un titre pluri-annuel aux victimes de traite dans le cadre de l’article L.316-1 du CESEDA. En effet, le rendez-vous annuel prévu pour le renouvellement du titre est apparu davantage comme une protection des victimes, les incitant à favoriser un suivi de leur situation.


Partager cet article