Dans La Tribune, nous appelons avec Renaud Bellais et Thibault Delamare à une dissuasion stratégique européenne. Il est temps que les Européens s’engagent dans un mouvement d’autonomie pour construire une dissuasion proportionnée à la menace, en accord avec leurs valeurs démocratiques et résolument européenne.
L’Europe est entrée dans une nouvelle ère où la garantie américaine de l’Alliance atlantique, longtemps tenue pour acquise, est fragilisée. Les pays d’Europe sont désormais forcés de définir une doctrine de dissuasion stratégique, à la fois de sanction et d’interdiction, combinant les moyens nucléaires et conventionnels pour assurer la crédibilité de leur défense de manière autonome.
L’arme nucléaire n’est pas une réponse à tout. Elle est stratégique, ultime, et doit le rester. La tentation d’une extension de la dissuasion nucléaire dans certains États européens – notamment en Pologne ou en Allemagne – reflète une inquiétude légitime mais doit être encadrée pour éviter les risques de prolifération. La dissuasion nucléaire française, offre une base conceptuelle, qui doit désormais être complétée par un ancrage territorial clair à l’échelle européenne.
Toutefois, il ne s’agit pas d’« européaniser » la dissuasion française, avec tout ce que cette idée suppose de dilution, de simplification ou de renoncements. Il s’agit d’inventer un concept de dissuasion proprement européen, qui tienne compte des menaces spécifiques à notre continent, des exigences démocratiques qui fondent nos sociétés, de nos ressources et de nos capacités d’organisation militaire et de production industrielle et qui intègre la dissuasion nucléaire de la France comme une composante majeure.
Dans cette perspective, nous visons donc clairement à dissuader l’adversaire de choisir la guerre, non par surenchère, mais par clarté stratégique et robustesse collective. La dissuasion ne peut pas reposer que sur quelques États seulement. Elle doit s’incarner dans un effort collectif, fondé sur le principe de contributions différenciées mais fondé sur une détermination partagée : chacun à la hauteur de ses capacités et dans une logique de complémentarités des moyens, selon un modèle solidaire, transparent et démocratiquement validé adossée à la doctrine dont nous avons ici tirée à grands traits ce qu’elle pourrait être. L’engagement de tous est indispensable pour convaincre l’adversaire potentiel d’une réponse commune à toute agression.
Lire notre tribune ici.