C’est une pluie de dollars qui s’abat sur l’Afrique. Fin septembre, la Chine a attribué à la République démocratique du Congo (RDC) un énorme prêt, d’au moins 5 milliards de dollars (3,5 milliards d’euros), partiellement remboursable en titres miniers. Une vraie aubaine pour un pays détruit par la guerre et qui servira à reconstruire voies ferrées, routes, écoles et hôpitaux.
Beaucoup d’Africains se réjouissent de cette arrivée en force de l’argent chinois, qui profitera peut-être à la Guinée (bauxite) ou au Tchad (pétrole). Ils tiennent les mises en garde du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale pour une manifestation de mauvaise humeur des Occidentaux, dont les monopoles miniers sont enfin battus en brèche.
Les dangers de cette manne sont pourtant bien réels. On n’injecte pas sans conditions de telles sommes dans des pays très pauvres comme la RDC, où les trois quarts des habitants vivent avec moins de 1 dollar par jour, sans déséquilibrer la balance commerciale, le budget et la structure même d’un Etat encore embryonnaire.
Ce n’est pas tant que la Chine prête à l’Angola ou au Soudan qui choque, mais qu’elle prête à des pays surendettés. Comment la RDC obtiendra-t-elle l’effacement des 14 milliards de dollars de son fardeau après avoir accepté un crédit chinois de 5 milliards ?
En fait, la question n’est pas l’origine chinoise des crédits : les 4 milliards de dollars que miseraient des sociétés américaines dans la bauxite camerounaise présentent les mêmes défauts.
Ces prêts rappellent les comportements vicieux de la guerre froide, lorsque l’Occident et l’Union soviétique subventionnaient les dictateurs et leurs « éléphants blancs », ces projets aussi inutiles que pharaoniques, dans le but de les attirer ou de les maintenir dans leur camp.
Aujourd’hui, l’enjeu n’est plus de rallier les Africains à une idéologie, mais d’exploiter leur sous-sol, et l’opacité des contrats – qui se révéleront, un jour, léonins – risque de favoriser une corruption ravageuse pour ces pays.
Le bon exemple vient du Sénégal. Il s’est vu, le 4 octobre, octroyer une aide de 3,9 milliards de dollars. La différence est que cette aide est multilatérale, puisqu’elle associe le FMI, la Banque mondiale, la Commission européenne, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la France et l’agence de coopération américaine Usaid.
Elle est sous la surveillance d’un groupe consultatif qui s’assure de sa cohérence avec l’état de santé du pays. Elle est ciblée sur la réduction de la pauvreté et ne devrait donc pas trop s’égarer dans les poches de prédateurs.
Mais ce bon exemple n’en est peut-être pas un : le Sénégal n’a pas de matières premières tentatrices…
Alain Faujas Le Monde Article paru dans l’édition du 17.10.07.