La gratuité qui risque de nous coûter cher

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J’assiste tous les mois, en tant que membre de droit, au comité de gestion du Lycée français d’Irlande (LFI). Depuis 10 ans, je participe à toutes les actions qui vont dans le sens de la construction d’un lycée. Je me suis battue contre sa fermeture pure et simple il y a 6 ans. Grâce à la volonté et au travail d’un groupe très actif de parents français et irlandais nous avons obtenu, l’année dernière, un prêt garanti par l’Etat. Il manque malheureusement quelques centaines de milliers d’euros et je crains que nous ne soyions obligés d’appliquer la méthode développée dans le rapport Ferrand sur la recherche de fonds privés. Le bal du 14 juillet, organisé par les Conseillers du Conseil Extérieur, a remporté un véritable succès et les premiers 25 000 euros ont été levés pour le LFI. Ce lycée est construit sur le terrain du lycée allemand de Dublin. Celui-ci bénéficie d’un soutien de l’Etat irlandais. Le proviseur et les enseignants du LFI ont travaillé à l’élaboration d’un projet pédagogique innovant qui devrait nous donner un eurocampus quand le lycée sera construit.

Depuis 5 ans le LFI est hébergé dans des préfabriqués. Les parents ont cru au projet. Ils ont non seulement laissé leurs enfants au LFI malgré les augmentations régulières des frais de scolarité mais ils ont activement participé au redressement financier d’un établissement qui souffrait d’un manque chronique d’effectifs. Un des moyens utilisés pour remplir les classes a été la publicité faite en France et l’avantage pour certains élèves de faire leur scolarité en Irlande. Ces élèves sont hébergés dans des familles d’accueil irlandaises.

Lors de la première réunion du comité j’ai été surprise qu’au bout de 2h30 de réunion aucune mention n’était faite sur la gratuité introduite en terminale cette année. A ma question sur la mesure phare de la rentrée le proviseur a répondu que les familles avaient été informées mais que tout était géré par le consulat. D’autre part, les familles avaient jusqu’en février pour faire leur demande. Ce n’est que lors de la réunion de la commission des bourses que j’ai compris que seules 5 familles bénéficieraient peut-être de la gratuité. Sur les 35 élèves nous avons un certain nombre de boursiers mais la grande majorité des parents des élèves du LFI résident en France et sont exclus de la liste des bénéficiaires ce qui est paradoxale puisque tous sont des contribuables français. Il faut espérer que ces familles ne se sentent pas pénalisées par une mesure inéquitable et retirent leurs enfants du LFI. Ce serait une catastrophe puisque les travaux ont débuté en septembre et il est prévu que les élèves soient dans un lycée comparable aux autres établissements à la rentrée prochaine. Cette mesure que nous attendions depuis des années a été introduite dans la précipitation, suite à une promesse électorale du candidat Sarkozy. Il est vraiment dommage que les détails tel celui de cas du LFI n’ait pas été pris en compte.

Communiqué Français du Monde – ADFE:

Prise en charge du coût de la scolarité des élèves français dans les établissements d’enseignement français à l’étranger : des promesses aux réalités

Le Ministre des Affaires étrangères vient de nous faire connaître les mesures mises en oeuvre à la suite de la promesse de campagne du Président de la République d’instaurer la gratuité dès la prochaine rentrée pour les élèves des lycées.

De ses propos nous retenons que 5 millions d’euros seront inscrits au budget 2007 et 20 millions d’euros au budget 2008 pour permettre la prise en charge des frais de scolarité des seuls élèves de la classe terminale à la rentrée 2007. Le dispositif serait ensuite étendu les deux années suivantes aux élèves de première et de seconde.

Au regard de cette annonce, rappelons les trois promesses faites par le candidat Nicolas Sarkozy au cours de la campagne : prise en charge intégrale et immédiate des frais de scolarité des élèves à compter de la classe de seconde ; objectif de doublement du nombre d’établissements scolaires avec l’aide du privé ; diminution des droits d’inscription en primaire et secondaire grâce à une augmentation des bourses. Nous en sommes bien loin, plus loin encore si nous prenons en compte l’interview diffusée sur TV5 le 17 avril 2007 dans laquelle il affirmait : « Je rendrai cet enseignement public gratuit … Les Français de l’étranger, c’est des Français comme les autres, ils doivent avoir droit aux mêmes services, ils ont les mêmes droits à l’égalité devant le service public». En définitive, sur les 80.000 élèves français scolarisés à l’étranger, seuls les 3.330 élèves de terminale qui ne bénéficiaient pas de bourse connaîtront un défraiement du coût de leur scolarité.

Limitée et injuste, cette mesure va à l’encontre du principe d’égalité des droits des Français de l’étranger devant l’école, rappelé par le Président lui-même. Elle va à l’encontre de la position de bon sens préconisée par Français du Monde-ADFE, comme par la communauté des parents d’élèves et des enseignants, qui recommandait de relever très fortement les crédits de bourses pour tous les niveaux scolaires confondus.

La déception sera donc à la hauteur de l’espérance soulevée chez les Français de l’étranger. Cette mesure divisera la communauté française et il va être malaisé de gérer le mécontentement des familles confrontées au difficile financement de la scolarité de leurs enfants, face aux familles privilégiées par le nouveau système, dont un certain nombre n’a pas besoin.


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