Je rentre d’un voyage au Burkina Faso et au Mali avec, sur la peau, quelques traces laissées par les moustiques. J’aurai la chance de faire le test de la « goutte épaisse » si ça ne va pas bien dans quelques jours et d’avoir les médicaments appropriés. Ce n’est pas le cas pour beaucoup de gens. On n’a pas besoin d’aller dans les campagnes pour voir des gens qui ont le strict minimum. A Bamako comme à Ouagadougou la pauvreté est visible partout. Pourtant, certaines initiatives sauvent les vies des plus démunis. J’ai rapporté cette histoire que j’aimerais vous faire partager.
NONANDA, 18 octobre 2007 (IRIN) – Kalifan Keita, petit paysan, n’a ni formation médicale, ni salaire, ni moyen de transport, à part sa petite bicyclette branlante ; pourtant, il a réussi là où ont en grande partie échoué le gouvernement malien et plusieurs décennies d’aide occidentale. Il sauve la vie à des centaines d’enfants frappés par le paludisme, dont beaucoup auraient péri après avoir sombré lentement et atrocement dans le délire et l’inconscience. « Je ne fais pas de miracle », dit-il. « Ce que je fais est simple ». M. Keita parcourt à vélo les six villages de sa région en transportant une petite boîte blanche marquée d’une croix rouge. Cette boîte contient des bâtonnets blancs et des aiguilles. Lorsqu’il arrive dans un village, les femmes dont les enfants sont malades se réunissent. M. Keita sort alors ses seringues et pique le bout de l’index de chaque enfant, pour imprégner le bâtonnet d’une goutte de sang, et permettre ainsi d’indiquer rapidement si l’enfant souffre ou non de paludisme. Sur les 14 tests effectués par M. Keita le jour où IRIN l’a rencontré, 12 étaient positifs. Fort de ce constat, M. Keita a remis six pilules aux mères concernées dans le cadre d’un traitement combiné à base d’Artémisinine (ACT), et leur a recommandé d’en donner deux par jour à chaque enfant. En trois jours, tous les enfants avaient recouvré la santé. M. Keita est bénévole dans l’une des 18 communautés qui participent à un projet pilote dirigé par l’organisation non-gouvernementale (ONG) Médecins sans frontières (MSF) dans une région du Mali où le paludisme est endémique. La nouveauté, c’est que les bénéficiaires du projet reçoivent le traitement contre le paludisme à domicile, et ne sont plus obligés de parcourir de longues distances pour se rendre dans des centres de santé éloignés – et que ce système fonctionne. Ces projets communautaires sont d’une simplicité rafraîchissante. Les frais généraux ne dépassent pas le coût du matériel d’analyse et des médicaments. A Nonanda, la couverture anti-paludique englobe une centaine de villages, pour un coût total d’environ 400 000 dollars. La principale critique susceptible d’être objectée à ces programmes repose sur le fait qu’ils dépendent trop de la motivation des bénévoles, et de la capacité du gouvernement central ou des autorités sanitaires à s’assurer que ces bénévoles éloignés et isolés sont bien équipés. Bien que leurs projets aient donné de bons résultats dans une régionincapable de venir à bout de ce fléau, les défis n’en restent pas moins de taille. En effet, le Mali est un vaste pays enclavé, composé de milliers de kilomètres d’eaux stagnantes à la surface desquelles des essaims de moustiques géants se forment à chaque saison des pluies. Le pays présente un des taux de prévalence du paludisme les plus élevés du monde. Les enfants sont plus nombreux que les adultes à y perdre la vie car ils n’ont pas eu le temps de développer une immunité contre la maladie. Ainsi, selon les estimations du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le paludisme contribue à au moins 30 pour cent des décès d’enfants au Mali. Ce n’est qu’en prévenant les cas de paludisme qu’on peut commencer à penser à apporter des améliorations de fond au système de santé.