Irlande : afflux de mauvaises nouvelles pour l’ex-petit champion européen

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Ce papier résume parfaitement la situation actuelle. A ajouter peut-être la démission du contrôleur financier qui, nommé par le gouvernement et ami intime du président de Anglo Irish Bank, a laissé la banque s’enfoncer plutôt que de contrarier ses amis. Les problèmes avec nos ressortissants commencent aussi.

Par Odile DUPERRY

LONDRES, 16 jan 2009 (AFP) – Chômage qui s’envole, nationalisation forcée de banques, fermeture de Dell, note de crédit ternie : les nouvelles égrenées depuis une dizaine de jours ont confirmé que la prospérité récente de l’Irlande est désormais de l’histoire ancienne, et à quel point la récession affecte désormais le pays. L’Irlande est en récession depuis le premier trimestre 2008, une chute d’une brutalité unique en Europe de l’ouest. Selon les derniers chiffres de l’institut économique irlandais ESRI, le Produit intérieur brut s’est contracté de 2,4% en 2008, et baissera encore de 3,9% cette année. Alors que la croissance était encore de 6% en 2007.

Le pays, qui avait connu une situation pire encore dans les années 80, quand un actif sur cinq était au chômage, s’est restauré avec les aides européennes, attirant avec une politique d’impôts bas des groupes étrangers de plus en plus nombreux, qui en ont fait un champion de l’exportation. Plus récemment, la prospérité de ce qu’on avait surnommé « le Tigre celtique » a reposé sur une bulle immobilière qui a éclaté en 2007 en même temps que la crise des subprime aux Etats-Unis, et laisse aujourd’hui le pays sur le flanc.

Les dix derniers jours ont vu s’accumuler les symboles de la gravité de la situation.

Ainsi, le premier exportateur du pays, l’américain Dell, second fabricant mondial d’ordinateurs, a annoncé le transfert de sa production pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-orient en Pologne, détruisant 1.900 emplois dans l’île. Un autre symbole, les cristalleries d’art Waterford (Waterford Wedgwood), sont en redressement judiciaire, avec 800 emplois à la clé.

Du coup, le chômage augmente au même rythme que celui du ralentissement de l’économie. Son taux a atteint 8,3% en décembre, un plus haut depuis onze ans, et son taux annuel moyen passera d’un enviable 4,5% en 2007 à 9,4% en 2009 selon l’ESRI. Cerné de toute part, le gouvernement a décidé de réduire les dépenses publiques cette année, provoquant le mécontentement de la population. Il cherche à éviter que le déficit public n’atteigne les 10,2% du PIB pronostiqué par l’ESRI pour cette année. L’Irlande était pourtant un des rares pays d’Europe à encore connaître un excédent l’année dernière.

Mais là aussi les mauvaises nouvelles affluent. Après avoir déjà garanti la totalité de l’encours de ses grandes banques fin 2008, Dublin a prévu d’injecter 5,5 milliards d’euros au capital de trois des principales banques du pays, ce qui devait aboutir à le rendre propriétaire de 75% d’Anglo Irish Bank. Or le gouvernement a dû annoncer jeudi soir la nationalisation pure et simple de l’établissement, à cause des « graves dommages à sa réputation » causés à la fois par la crise financière et par un scandale sur des prêts accordés à son président. Bruxelles a déclaré vendredi qu’elle allait étudier cette nouvelle. Cerise sur le gâteau, l’agence de notation Standard & Poor’s menace à présent de dégrader la note de crédit du pays, qui évalue la confiance qu’on peut avoir dans sa capacité à rembourser ses emprunts. Ce serait un nouveau coup dur car l’Irlande devrait désormais payer des intérêts plus élevés pour emprunter de l’argent.

Cette fragilité pourrait être mise à profit par certains. Ainsi la compagnie aérienne irlandaise, engagée dans une offre d’achat hostile sur sa compatriote Aer Lingus, dont le gouvernement irlandais possède 25,1%, a encore fait miroiter vendredi à celui-ci l’intérêt des quelques centaines de millions d’euros qu’il gagnerait à une vente de sa part, outre les 1.000 emplois que Ryanair créerait à cette occasion.

Dans ce contexte difficile, les Irlandais, qui avaient repoussé à 53% le traité européen en juin dernier, doivent retourner aux urnes cette année.


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