Il y a encore quelques années, un produit financier « fabriqué » à New York mettait environ cinq ans avant d’être banalisé à Londres. Cinq autres années plus tard, il arrivait à Paris. Dix années s’étaient alors écoulées avant qu’en France on en fasse usage (ou non). Aujourd’hui, il ne s’écoule pas un an avant qu’une innovation financière soit diffusée sur toutes les places européennes. Par souci concurrentiel, l’Europe innove à tour de bras pour rester dans la course, voire devancer ses partenaires économiques.
Les marchés regorgent d’opérations qui permettent la vente à terme de produits qui n’ont jamais été achetés (et qui dans la plupart des cas ne le seront jamais), de parier sur des valeurs futures qui n’existent que virtuellement (les indices), toutes choses dont la valeur réelle est déconnectée de la réalité. Imagine-t-on un savant inventant une molécule que le gouvernement autoriserait immédiatement à mettre sur le marché, dans un médicament par exemple? Est-il éthique ou moral qu’on échange sur une Bourse des volumes de pétrole supérieurs à ceux produits ?
Pour ne prendre qu’un exemple, on se retrouve ainsi avec des couvertures de risques sur la dette d’entreprises cotées qui dépassent la valeur d’endettement de ces mêmes entreprises ! Ceux qui achètent ce risque se voient promettre qu’en cas de défaillance de la société, en rémunération de la prime qu’ils ont versée, une partie de ces actions leur sera remise. Sauf que les volumes sont tels qu’il n’y aurait pas assez d’actions dans la société pour payer tout le monde. Cela signifie simplement que certains ont acheté du vent puisqu’il serait impossible, à un instant « t », de leur livrer les actions sous-jacentes représentant le capital de ces entreprises…
S’ajoute à ce phénomène un système de rémunération basé sur la plus-value dégagée par la vente de ces produits, le plus souvent calculée sur la base d’un pourcentage. Il y a donc tout intérêt à commercialiser des produits de plus en plus gros, des valeurs de plus en plus importantes et ce, de plus en plus rapidement. Sauf que personne ne sait plus à quoi ces valeurs se rattachent…Comme les OGM non mentionnés sur les étiquettes, ces produits se retrouvent dans le portefeuille du consommateur moyen, lequel n’a pas souvent les moyens de survivre économiquement aux pertes engendrées.
Dans le secteur immobilier, l’illustration est claire : il a toujours été d’usage, en France, d’acheter sa maison à taux fixe. Tout simplement parce qu’il est plus facile et plus prévisible de savoir quelle somme doit être mise de côté tous les mois, sur la base du salaire existant. La mode anglo-saxonne du taux variable, qui a tenté de s’imposer il y a quelques années, n’a pas fait long feu (sauf pour une minorité). On voit d’ailleurs aujourd’hui des banques condamnées pour avoir entraîné leurs clients sur des prévisions de salaires irréalistes.
Pour pousser la réflexion à l’extrême, ne faut-il pas repenser nos systèmes en fonction des valeurs fondamentales, y compris celle du partage ? Est-il moral de s’enrichir en quelques instants pour des montants supérieurs aux salaires cumulés annuels de familles entières ?