L’Irlande et la crise financière: un peuple fier face à l’arrogance et la tyrannie des banquiers

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L’une des rares protestations de rue contre l’injustice des mesures de redressement  

 

Depuis la publication d’Eurostats tout le monde sait que l’Irlande arrive en tête des déficits européens, loin devant la Grèce, l’Espagne et le Portugal avec lesquels ils forment les PIGS, surnom donné par ceux qui ont contribué à la chute de ces pays. Ici ce n’était plus un secret pour personne, pour nous dont les salaires ont diminué de 15% en six mois, nous dont les amis se retrouvent au chômage ou forcés à l’émigration. Le taux de chômage est passé de 3% à 13% en moins d’un an. On estime à près de 100 000 le nombre des départs dû à l’émigration économique et à 300 000 le nombre de familles menacées de perdre leur maison parce qu’elles ne sont plus en mesure de rembourser leurs emprunts.

Chaque jour amène son lot de mauvaises nouvelles. Hier, on annonçait la fermeture des trois piscines du centre ville, où se trouvent les quartiers les plus touchés par le chômage. Aujourd’hui c’est le non remplacement des départs à la retraite. Aucun recrutement n’aura lieu dans la fonction publique jusqu’à la fin de l’année. Le parlement vote toutes les taxes, dont la taxe carbone, pour faire rentrer autant d’argent que possible dans les caisses. En même temps il ne cesse de couper dans les finances publiques. Nous sommes particulièrement touchés à l’université où notre budget doit être réduit de 20% entre juin et décembre 2010. Mission impossible puisque la masse salariale représente la plus grosse partie du budget. Cette mesure est tout simplement l’annonce de fermetures de postes comme cela avait été le cas en Angleterre à l’ère Thatcher. Des départements entiers dans certaines universités avaient alors fermé.

Le problème principal reste que seul l’argent des contribuables semble pouvoir venir en aide aux banques. Les médias font une chasse féroce aux banquiers dont ils dénoncent les abus. Certains sont forcés de rendre le million qu’ils avaient reçu au moment de leur départ il y a quelques mois. Ils le font par obligation morale puisque les politiques expliquent inlassablement qu’il n’existe pas d’obligations juridiques. Pourquoi n’en demandent-ils pas ? Ils y seront peut-être bientôt poussés puisque la chasse aux sorcières les rattrape aussi. Maire Geoghegan Quinn, nouvellement nommée commissaire européen pour la recherche et l’innovation, continue à toucher sa retraite de ministre et député alors qu’elle reçoit un salaire de 238 918 euros par an. Là aussi le Premier ministre explique qu’il n’y a aucune obligation de remboursement. Elle a décidé d’y renoncer ce matin et maintenant la pression est sur les députés pour qu’ils en fassent de même. Certains touchent une retraite de ministre alors qu’ils siègent au parlement. Au-delà de la souffrance imposée aux familles cette crise a l’avantage de chasser les privilèges.

Il est intéressant de voir comment tout un système de cumuls et d’abus est dévoilé dans la presse. Le dénoncer semble servir de soupape de sécurité pour contenir la tension sociale. Nous avons des coupables et ils paient, peu mais assez pour tous ceux qui ne gagneront jamais en toute une vie le bonus rendu. Cependant le système n’est ni changé ni régulé. Le monde de la finance semble attendre que la colère du peuple passe et que les journalistes s’intéressent à d’autres histoires.

 

Ce monde parallèle est un monde où la sanction n’existe pas ; où l’on s’attribue des sommes colossales pour se remercier d’avoir bien ou mal travailler quand tous les autres n’ont que la satisfaction du travail bien fait comme récompense ; où l’on joue en inventant des règles non contraignantes ; où l’on gagne beaucoup d’argent en touchant la touche d’un clavier sans avoir à se préoccuper du monde réel. Ce monde se sent tellement indispensable qu’il peut continuer sans rien changer à ses habitudes avec la bénédiction des gouvernements qui en ont maintenant peur. Peur de devenir la prochaine cible de la spéculation financière qui prend les pays pour des produits financiers.

La tension sociale ne s’exprime pas dans la rue, comme en Grèce. Elle est contenue, par fierté peut-être. La fierté d’un peuple colonisé jusqu’au début du XX siècle qui veut prouver qu’il n’a besoin de personne. L’Irlande va prêter 400 millions à la Grèce, l’argent qu’elle a elle-même emprunté. Et puis il y a l’émigration qui sauve la face. Il y a enfin ce fatalisme que toute la richesse générée ne pouvait être que passagère dans ce pays habitué à la pauvreté et à la misère pendant trop longtemps. Les Irlandais sont plus aisés qu’ils ne l’ont jamais été. Ils reconnaissent avoir gaspillé une grande partie de cette richesse parce qu’’ils voulaient en profiter tout de suite. On dit ici que le climat influence l’humeur des gens et les force à changer au gré du jeu entre le soleil et la pluie (la grande gagnante !). Il nous apprend certainement à profiter du moment présent parce que rien n’est jamais acquis.

 

Source Image 1 et 2

 


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