L’Institut Français, marchand de culture? 13ème session AFE, réponse au Ministre Darcos

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 Monsieur Xavier Darcos est venu présenter l’Institut Français, fruit de la réforme voulue par Bernard Kouchner afin de gérer le réseau culturel francais. J’ai été chargée de répondre à l’ancien ministre au nom du groupe FdM ADFE.  

    

 

 

 

Monsieur le Ministre,

 Vos propos ont le mérite de la clarté mais il subsiste cependant quelques zones d’ombre dans mon esprit, suffisamment opaques pour qu’elles suscitent quelques interrogations.  

En préambule à mes questions, je voudrais rappeler quelques éléments tant il est vrai que « quand le passé n’éclaire plus l’avenir, on marche vers l’obscurité ».  

On parle depuis quelques années des problèmes et du malaise du réseau culturel français qu’on présente en déclin, dispersé et peu lisible.    

En fait les problèmes sont les conséquences de trois facteurs conjugués :   

Ø Premièrement, mais j’enfonce là une porte ouverte, un effondrement des moyens sans précédent qui fait, qu’en quelques années, le réseau aura perdu la moitié de ses crédits d’intervention. Ceci a été rappelé récemment dans la presse par deux anciens ministres des Affaires étrangères et déploré par plusieurs anciens Secrétaires généraux du Quai d’Orsay.   

Nous avons aussi assisté à des fermetures massives d’établissements culturels en Europe Occidentale (passés de 52 à 33 en 8 ans) ainsi qu’en Europe Orientale et Centrale où la Francophonie est encore vivante et se trouve ainsi menacée dans sa cohérence.   

Ø Deuxième facteur, un déficit de professionnalisation des agents responsables, phénomène aggravé par, d’une part, la réduction de la durée des missions des détachés et les contraintes pesant sur le nombre des contrats et, d’autre part, la diminution du nombre de postes ;   

Ø Enfin, troisième facteur, l’absence de persévérance dans les stratégies et les actions menées, résultant d’une rotation trop rapide des principaux cadres en poste et de la succession d’annonces non suivies d’effet.    

Monsieur le Ministre, pour avoir vécu et beaucoup voyagé à l’étranger, l’expérience m’a convaincue qu’au moment des arbitrages politiques et des engagements internationaux, tels la signature de contrats industriels et commerciaux, l’image d’un pays, l’attachement culturel, intellectuel ou sensuel qu’on éprouve à son égard pèsent dans les décisions. Chateaubriand disait déjà que : « tout arrive par les idées ».    

Aujourd’hui la France est une puissance moyenne mais riche d’un héritage culturel d’une grande puissance et, sans doute, la seule culture à prétention universelle qui n’ait plus de vocation impériale. La culture française apparaît ainsi dans beaucoup d’endroits comme un recours contre les extrémismes et fondamentalismes de tous bords, fussent-ils occidentaux.    

J’en viens à mes questions et à l’opacité qui entoure les deux points suivants :    

1.      Il me semble que la réforme qui a aboutit à la création de l’Institut Français souffre de l’absence de réflexion globale, en particulier sur la façon d’articuler l’Institut Françaiset l’Alliance Française qui représente tout de même les deux tiers de notre réseau d’établissements à l’étranger avec le risque de création de doublons, évités jusqu’à présent.  

 
 Vous avez fait référence à la signature d’une convention mais je souhaiterais que vous clarifiez la mission de l’Institut en ce qui   concerne l’enseignement du français par rapport aux grands opérateurs ainsi que la question cruciale de la gestion des postes.    

2.      Il semblerait qu’avant même qu’on ne connaisse le contenu précis des compétences et des missions qui seront attribuées à l’Institut, on recrute déjà les personnes chargées d’en assurer la mise en œuvre (N°2 et N°3 commencent à être nommés et on recherche des directeurs). Je souhaiterais que vous précisiez sur quels critères s’opèrent ces recrutements.    

En conclusion, je dirais que, contrairement à ce qu’affirment certains libéraux anglo-saxon, il est certain que l’on ne peut pas faire confiance au marché pour assurer la diversité culturelle et linguistique car il existe sur le fond un conflit entre efficience et diversité.    

Nous attendons de l’Institut Français qu’il soit l’un des fers de lance de la diversité culturelle défendue par la France, et, tout en tenant compte des contraintes économiques, qu’il ne soit en rien un marchand de culture.   

 

Je terminerai avec cette phrase d’André Malraux qui en parlant de culture, pointait « la gratuité d’un ensemble dont la grandeur était d’assumer l’unité des hommes »    

Je vous remercie. 


Photo Alain Fontaine 


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