Mission « Aide publique au développement »

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Mission « Aide publique au développement »
Intervention en séance de
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure

 

Monsieur le Président,
Madame la ministre,
[Monsieur le Président de la commission,]
Mes chers collègues,

 Avant d’évoquer les crédits 2015 de l’aide publique au développement, je souhaite en effet, comme vient de l’indiquer Henri de Raincourt, rappeler les efforts importants consentis par le Gouvernement en ce qui concerne les financements innovants.

Le 1er avril dernier, le Gouvernement a ainsi revalorisé de 12,7 % les tarifs de la taxe sur les billets d’avion qui n’avaient pas été actualisés depuis plusieurs années.

Ensuite, c’est ce Gouvernement, dans le prolongement des rapports demandés en 2003 par le Président Chirac et en 2011 par le Président Sarkozy, qui a souhaité montrer l’exemple à nos partenaires européens, en créant effectivement une taxe sur les transactions financières, dont une partie est affectée au financement du développement.

Depuis 2012, le Gouvernement a régulièrement rehaussé la part des recettes de cette taxe affectée au développement (10 % en 2013, 15 % en 2014, puis 25 % pour 2015). Il est vrai que le plafond qui s’applique à cette part limite encore les recettes effectivement perçues au profit du développement, mais ce plafond a également progressé de manière sensible : 60 millions en 2013, 100 millions en 2014, 140 millions en 2015. Et le Gouvernement a annoncé qu’il serait porté à 160 millions à compter de 2016.

Ainsi, pour résumer ces chiffres, la taxe sur les billets d’avion apportera 25 millions d’euros de plus par an au développement et la TTF 40 millions de plus en 2015 et encore 20 millions supplémentaires en 2016. En cette période de négociations tendues avec Bercy, le résultat n’est pas mince !

Pour autant, je rejoins mon collègue Henri de Raincourt, cette augmentation significative de recettes ne doit pas être présentée comme venant en substitution de crédits budgétaires. Ce serait un mauvais signal.

En ce qui concerne plus directement le projet de loi de finances, une ligne budgétaire doit être étudiée à part. Il s’agit de celle qui compense à l’AFD les décisions d’annulations de dette prises par la France. Cette ligne diminue fortement, au même rythme en fait que le nombre de pays surendettés ; ce mouvement est donc, paradoxalement, positif. Sans cette ligne de crédits qui suit une logique spécifique, les crédits de la mission baissent de 1 %.

Les financements multilatéraux représentent 58 % de la mission, ce qui tend à rigidifier l’enveloppe car les décisions qui les concernent ont un caractère pluriannuel et obligatoire. Il existe un débat récurent sur l’équilibre entre le bilatéral et le multilatéral : ce dernier permet certes un effet de levier important mais tend aussi à diluer l’action de la France. Henri de Raincourt et moi-même souhaitons l’an prochain travailler sur cette question. Au minimum, il est essentiel de rationaliser le paysage des organisations multilatérales où l’on constate des redondances. Cela est particulièrement important au moment où la communauté internationale va massivement investir dans le Fonds vert pour le climat ; il ne faudrait pas que ce fonds fasse doublon avec des institutions existantes, comme le fonds pour l’environnement mondial.

En ce qui concerne les autres crédits, je retiens que le Gouvernement a décidé de préserver au maximum les crédits d’intervention de la mission.

Ainsi, les dons-projets, terminologie un peu barbare qui correspond à ce que nous pourrions appeler des subventions, étaient stables en crédits de paiement et progressaient même légèrement en autorisations d’engagement dans le projet de loi initialement déposé par le Gouvernement. A la suite d’un amendement de nos collègues députés adopté à l’unanimité, la somme allouée à ces dons-projets a été majorée de 35 millions au détriment des bonifications de prêts versées à l’AFD. Les engagements passeraient ainsi de 330 millions d’euros en 2014 à 368 millions en 2015, soit une progression de 11,5 % ! Même si nous ne souhaitons pas opposer les prêts aux dons, qui sont deux outils complémentaires de l’aide, la commission ne s’est pas opposée à cet amendement qui permet de redonner aux dons-projets un niveau plus conforme avec nos ambitions. Pour autant, il est certain que cela pèse fortement sur le programme 110 de la mission, ce qui pourrait le cas échéant se révéler contre-productif. Mais nous aurons ce débat à l’occasion de l’amendement déposé par le Gouvernement.

Alors que la programmation des finances publiques ne laisse pas augurer un redressement des crédits de la mission, je crois que le Gouvernement doit s’atteler à des réformes structurelles s’il ne veut pas enfoncer un plancher qui pourrait remettre en cause toute notre politique. Ainsi, l’effort demandé cette année encore sur les dépenses de personnel ne peut se mettre en place indistinctement ; le Gouvernement doit par exemple envisager d’aller nettement plus loin dans le rapprochement des réseaux à l’étranger, en particulier entre les bureaux de l’AFD et les services de coopération et d’action culturelle.

En outre, même s’il s’agit d’une question aussi ancienne que la politique de développement elle-même, nous ne devons pas nous résigner à un éparpillement des acteurs publics de l’aide au développement : plusieurs lignes budgétaires montrent clairement des doublons importants entre le ministère de l’économie et celui des affaires étrangères. Or ces doublons ne peuvent qu’additionner les coûts de gestion et diminuer l’efficacité et la portée de notre aide. Je sais bien que cette question est ressassée depuis fort longtemps, mais la baisse continue des crédits nous impose d’agir au risque d’affaiblir considérablement le rayonnement de la France.

Avant de conclure, je voudrais, comme en commission, saluer l’action de la France dans deux secteurs très différents et pourtant essentiels en matière de développement.

La santé tout d’abord. La France prend toute sa part dans la lutte contre le virus Ebola, comme l’a montré la visite du Président de la République vendredi dernier en Guinée. Notre pays apporte à la fois des réponses à l’urgence en mettant en place des centres de traitement des malades et des réponses de moyen terme en assurant par exemple la formation des personnels soignants.

Je souligne d’ailleurs que le ministère de la défense, notamment grâce au service de santé des armées, participe à cet effort, ce qui montre bien – et c’est le second point que je voulais évoquer – que la politique de développement doit être pensée de manière globale. Nos interventions au Mali ou en Centrafrique, mais aussi notre politique de prévention des conflits – par exemple dans le Golfe de Guinée avec l’opération Corymbe –, participent des réponses qui doivent être apportées en matière de solidarité et de développement international. Sécurité et développement sont les deux faces d’une même pièce.

En conclusion, consciente des difficultés budgétaires actuelles et vigilante sur les différents points qu’Henri de Raincourt et moi-même venons d’évoquer rapidement, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Je vous remercie.


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