La session parlementaire extraordinaire nous retenant à Paris, je me rattrape en lisant les récits de voyage. Yves Saint Laurent aimait voyager à partir de son canapé, un ouvrage entre les mains. Je pense à l’excellent Berezina de Sylvain Tesson aux éditions Guérin que je viens de terminer et qui vient d’être distingué par le 20ème prix de l’armée de Terre. Dans ce rapport au temps et à l’espace qu’offre un voyage – « cette folie qui nous obsède » – aussi extraordinaire qu’un retour en sidecar de Moscou à Paris sur les traces de la Grande armée, deux points ont retenu mon attention parmi d’autres. Tout d’abord la théorie des « Hauts lieux » sur laquelle je reviendrai dans un prochain billet et qui me semble très juste. Et puis ce portrait sincère, drôle, truculent et dont je m’entretiendrai volontiers avec l’auteur. Décrivant un diner préparatoire à cette folie commune à cinq amis lors d’un dîner moscovite, il écrit : « Note hôte s’était installé à Moscou vingt ans auparavant, lassé de la France, de ses régulations, des charcutiers poujadistes, des socialistes sans gêne, des géranium en pot et des ronds-points ruraux. La France, petit paradis peuplé de gens qui se pensent en enfer, administré par des pères-la-vertu occupés à brider les habitants du parc humain, ne convenait plus à son besoin de liberté. Il avait eu envie d’aventure, de réel. Il préférait négocier avec des businessmen à têtes de brutes plutôt qu’avec des barracudas à tête d’HEC qui n’avaient jamais l’idée de lui proposer une cuite au sauna après la négociation du contrat ». Portrait par Sylvain Tesson de ce portrait de « Jacques », à cet expatrié amoureux de liberté. J’espère avoir un jour le hasard de le rencontrer.