Rapport pour avis sur le budget de l’aide publique au développement 2017

Partager cet article

Le 2 novembre dernier, nous avons présenté, avec mon collègue Henri de Raincourt, notre rapport pour avis sur le budget APD 2017  devant nos collègues de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées qui l’ont voté à l’unanimité. C’était une reconnaissance de la Droite de la sincérité de notre budget APD et je regrette d’autant plus que le débat en séance publique ne puisse avoir lieu.

Voici le texte de mon intervention en Commission :

Monsieur le Président, Mes chers collègues,

Une hausse de plus de 130 millions du budget de l’aide publique au développement dans un contexte de rigueur budgétaire, cela me semble très positif. Compte tenu des quelque 270 millions d’euros supplémentaires votés par les députés lors de l’examen de la première partie du budget, je pense que l’on peut dire que le compte y est !

Ce ne sont pas les seules bonnes nouvelles pour cette politique publique qui se trouve de plus en plus au cœur de l’actualité du fait des grands bouleversements internationaux qu’Henri de Raincourt vient d’évoquer.

L’AFD va en effet connaître un essor sans précédent au cours des années à venir.

Je rappelle que l’engagement du Président de la République en 2015 portait sur une hausse de l’activité de prêts de 4 milliards d’euros en 2020 par rapport la situation actuelle, soit 12,5 milliards d’euros d’octrois au total.

Conformément à cet engagement, en 2016, le volume d’autorisation d’engagement de bonifications de prêts prévu par le programme 110 était de 285 millions d’euros, pour une activité de 9 milliards d’euros de prêts.

En 2017, les autorisations d’engagement demandées s’élèvent à 315 millions d’euros, soit une progression de 10% qui correspond à une cible de 9,5 milliards d’euros d’octrois en 2017, deuxième pallier vers l’objectif de 12,5 milliards d’euros en 2020.

En outre, pour poursuivre sa croissance et en raison du régime prudentiel auquel elle est soumise en tant que banque, l’AFD doit accroître ses fonds propres.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2016 devrait prévoir une recapitalisation de l’Agence en jouant sur la « ressource à condition spéciale » (RCS), c’est-à-dire les montants prêtés chaque année par l’État à l’AFD dans des conditions particulièrement favorables, puisque ces crédits durent trente ans, dont dix ans de différé du remboursement en capital, à un taux de 0,25 %.

L’AFD devrait ainsi rembourser à l’État les 2,4 milliards d’euros correspondants à son stock de RCS fin 2016, tandis que ce dernier souscrira à une augmentation de capital social de l’AFD du même montant. Le coût de l’opération s’élève à la perte des intérêts restant dus, dont le paiement était étalé sur trente ans, soit 80 millions d’euros au total.

Cette accroissement de la « force de frappe » de l’AFD et la hausse considérable de ses financements au cours des prochaines années présente un risque, celui du passage à une pure logique de chiffre d’affaires et d’une certaine dispersion au détriment des pays qui ont le plus besoin de notre aide. Il nous faudra rester vigilant pour que celle-ci reste bien ciblée sur les régions où la pauvreté continue à affecter une grande partie de la population, ainsi que sur les pays en crise. Le fait que la Directrice du Trésor nous ai fait part de sa vigilance sur ce sujet me paraît être un élément important.

Enfin, dernier point positif, la hausse des crédits prévue par le PLF 2017, compte tenu des amendements votés par les députés, permettra la création de la « Facilité de prévention et de gestion des crises » que nous appelions de nos vœux dans notre rapport consacré à l’aide au développement au Sahel. Alors que nous préconisions un montant minimal de 100 millions d’euros pour cette enveloppe gérée par l’AFD, la somme qui sera finalement prévue devrait être nettement supérieure. Cette création devrait être décidée lors du prochain comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), dont la date n’est pas encore fixée mais qui devrait avoir lieu avant la fin de l’année.

 

Par ailleurs, nous souhaitons que l’augmentation des moyens de l’aide au développement bénéficie également à l’éducation, singulièrement à l’éducation de base au sens de l’ONU, c’est-à-dire le primaire, le secondaire et l’éducation des adultes.

Rappelons que la communauté mondiale s’est fixée en 2015, parmi les nouveaux objectifs de développement, la mise en place d’une éducation préscolaire, primaire et secondaire de qualité d’ici à 2030.

Comme nous en avons eu la confirmation au cours de nos travaux sur le Sahel, il s’agit d’un secteur-clef, à la croisée des enjeux économique et démographique, l’éducation des filles constituant le levier le plus puissant pour infléchir à la baisse le taux de fécondité.

En outre, des recherches citées par l’UNESCO (Evans et Rose (2007)) ont pu démontrer que la population adulte ayant suivi des études primaires avait nettement plus de chances de soutenir la démocratie que si elle n’avait pas été scolarisée. De même, dans une population ayant un ratio de 38 % de jeunes, le risque de conflit est réduit de moitié si on passe de 30 % à 60 % de jeunes scolarisé dans le secondaire (selon Barakat et Urdal (2009), également cités par l’UNESCO).

Or, après des progrès important dans les années 2000, le nombre d’enfants non scolarisés a cessé de décroitre pour se stabiliser autour de 265 millions.

Cette situation est sans doute en partie due à une stagnation de l’aide à l’éducation depuis 2010. Ainsi, si cette aide a plus que doublé entre 2002 et 2010, atteignant 14,2 milliards de dollars, elle était en 2014 inférieure de 8 % à ce pic, avec 13,1 milliards.

L’aide à l’éducation française, en particulier, a marqué le pas au cours des dernières années. À cet égard, le fait que ce secteur constitue le premier poste de dépenses de notre APD bilatérale, soit environ 15% de notre aide totale, ne doit pas induire en erreur. La majeure partie, soit environ 600 millions d’euros, correspond en effet à l’écolage, c’est-à-dire aux dépenses engagées pour l’accueil des étudiants en provenance des pays en développement dans notre enseignement supérieur. Or, seule une partie de ces dépenses bénéficie réellement in fine aux pays d’origine.

En outre, notre participation au Partenariat mondial pour l’éducation (PME) n’est plus à la hauteur de l’importance et de l’efficacité de cet instrument. Je rappelle que depuis 2002, le PME a contribué dans les pays partenaires à la scolarisation de 61 millions d’enfants supplémentaires ou encore à la formation de 413 000 enseignants. Dans les pays membres du PME, les taux d’achèvement de l’école primaire ont augmenté de 9 points. De plus, cet instrument bénéficie en majorité aux pays francophones d’Afrique subsaharienne.

Si nous avons joué un rôle moteur dans la création du PME en 2002 et appuyé son financement à hauteur de près de 80 millions d’euros depuis 2004, il a été décidé de ne pas reconduire l’engagement français lors de la dernière reconstitution financière pour la période 2015-2018 en raison du contexte budgétaire difficile. La France a néanmoins versé 1 millions d’euros en 2015 et devrait verser 8 millions d’euros en 2016. Rappelons à titre de comparaison que la contribution de la France au Fonds mondial Sida s’élève depuis plusieurs années à 360 millions d’euros par an.

Nous préconisons donc un rééquilibrage de la dépense au profit de l’aide à l’éducation, notamment à l’éducation primaire. Les nouveaux crédits dont doit bénéficier l’AFD pour effectuer des dons devraient permettre un tel infléchissement, d’autant que le Secrétaire d’État chargé du Développement et de la Francophonie a fait également de l’aide à l’éducation une de ses grandes priorités.

Sous réserve de ces observations et de l’adoption ultérieure des crédits par les députés, je vous proposerai de donner un avis favorable aux crédits de la mission « aide au développement ».

Je vous remercie.


Partager cet article