Un volte-face pour les Français résidant hors de l’Union européenne et qui perçoivent un revenu patrimonial en France.

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Avec mes collègues Sénateurs des Français de l’étranger, nous nous battons depuis de nombreuses années sur ce sujet du revenu du patrimoine, la décision qui vient d’être prise par la CJCE met un sérieux coup d’arrêt à ce combat puisque désormais, cette décision confirme que le revenu du patrimoine d’un ressortissant français travaillant hors de l’Union peut être soumis à CSG et CRDS.

La Cour de Justice de l’Union européenne a jugé, le 18 janvier 2018, que les revenus du patrimoine d’un ressortissant français travaillant hors de l’UE ou de la Suisse peuvent être soumis aux contributions sociales françaises. La Cour avait décidé dans un arrêt du 26 février 2015 qu’en raison de l’interdiction du cumul des législations applicables en matière de sécurité sociale aux travailleurs qui se déplacent à l’intérieur de l’Union, les revenus du patrimoine d’un résident français travaillant dans un autre État membre n’étaient pas soumis aux contributions sociales françaises. La CJUE confirme à présent que les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un pays tiers – en l’espèce, un régime privé en Chine – ne peuvent revendiquer le bénéfice de ce principe, dès lors qu’ils n’ont pas fait usage de leur liberté de circuler au sein de l’Union, selon le communiqué de la Cour.

À l’origine de cet arrêt, un ressortissant français travaillant en Chine et affilié à un régime privé de sécurité sociale dans ce pays, souhaite obtenir le remboursement des prélèvements sociaux perçus en France entre 2012 et 2014 sur ses revenus du patrimoine (revenus fonciers et plus-value réalisée à la suite de la vente d’un immeuble).

Il revendique l’application de la jurisprudence de la Cour du 26 février 2015 selon laquelle de tels prélèvements, dans la mesure où ils présentaient un lien direct et pertinent avec le régime obligatoire de protection sociale française, étaient soumis au principe d’unicité de la législation applicable, édicté par le règlement de 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs qui se déplacent à l’intérieur de l’Union. À la suite de cet arrêt, le Conseil d’État français avait jugé le 27 juillet 2015 qu’une personne physique affiliée à un régime de sécurité sociale dans un autre État membre était fondée à demander la décharge des prélèvements auxquels avaient été assujettis, en France, les revenus de son patrimoine.

Les modalités de remboursement des prélèvements opérés en violation du droit de l’Union sont précisées par deux communiqués de presse du 20 octobre 2015 émis, d’une part, par le secrétaire d’État chargé du Budget, d’autre part, par le directeur général des Finances publiques, relève l’arrêt de la CJUE. "Il y est notamment précisé que le droit au remboursement est réservé aux seules personnes physiques affiliées à un régime de sécurité sociale d’un État autre que la République française situé dans l’Union européenne, l’EEE ou la Confédération suisse, excluant ainsi les personnes physiques affiliées à un régime de sécurité sociale dans un État tiers".

Cette exclusion est-elle conforme au droit de l’Union ? Non, estime le ressortissant français travaillant en Chine, qui saisit la justice administrative pour faire annuler les communiqués pour excès de pouvoir. Il fait valoir que cette exclusion est contraire au règlement n° 883/2004 et au principe de libre circulation des capitaux garanti par l’article 63 du TFUE. Le Conseil d’État transmet une question préjudicielle en ce sens à la CJUE, qui donne raison à l’administration française.

Dans son arrêt du 18 janvier, "la Cour considère que l’exclusion en cause constitue une restriction à la liberté de circulation des capitaux". En effet, "des ressortissants de l’Union affiliés à un régime de sécurité sociale d’un autre État membre (UE/EEE) ou de la Suisse bénéficient d’un traitement fiscal plus favorable (sous la forme d’une exonération ou d’un remboursement des prélèvements en cause) que des ressortissants français qui résident dans un État tiers et sont affiliés à un régime de sécurité sociale dans cet État", explique le communiqué de la CJUE.

Toutefois, "la Cour estime que cette restriction est justifiée en l’espèce". Il existe en effet "une différence objective entre, d’une part, un ressortissant français" qui "réside dans un État tiers et y est affilié à un régime de sécurité sociale et, d’autre part, un ressortissant de l’Union affilié à un régime de sécurité sociale d’un autre État membre" : seul ce dernier "est susceptible, en raison de son déplacement à l’intérieur de l’Union, de bénéficier du principe d’unicité de la législation en matière de sécurité sociale".

En l’espèce, le ressortissant français travaillant en Chine "n’ayant pas fait usage de la liberté de circulation au sein de l’Union, il ne peut pas invoquer le bénéfice de ce principe". La Cour en déduit "que les revenus du patrimoine des ressortissants français qui travaillent dans un État autre qu’un État membre de l’UE/EEE ou la Suisse peuvent être soumis aux contributions sociales françaises", conclut le communiqué.

Les ressortissants français concernés par cette décision risquent de s’élever contre ce principe dans la mesure où ils contribuent au rayonnement de la France à l’étranger. C’est un énième rebondissement pour eux, puisqu’en 2015, l’administration fiscale avait accepté de rembourser les sommes indûment perçues au titre des prélèvements sociaux pour les Français qui tiraient un revenu de leur patrimoine et qui résidaient hors de l’Union européenne.


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