Mieux contrôler les exportations d’armes de la France vers les pays étrangers

Partager cet article

Ma tribune avec Olivier Faure et Christian Hutin dans le Huffington Post.

La réforme constitutionnelle voulue par le Président de la République illustre plus sa volonté d’affaiblir le Parlement qu’un désir de réforme vers plus de démocratie. Nous pensons avec nombre de nos collègues de gauche, que la question de la transparence devant les citoyens français et leur représentation nationale est cruciale.

Dans ce monde soumis aux flux et aux confusions de l’information, la transparence des politiques publiques doit plus que jamais s’appliquer. Il en va notamment de celles liées à la défense, au renseignement, et comme nous le proposons aujourd’hui, aux exportations d’armes françaises.

S’agissant hier du renseignement, ce fut la Loi de programmation militaire 2014-2019 qui consacra l’élargissement des compétences et des capacités de la Délégation parlementaire au renseignement (DPR) sous l’impulsion du précédent gouvernement. De sa vocation initiale de « suivi » lors de sa création en 2007, la DPR se transforma en organe de « contrôle » parlementaire, notamment au travers d’un accès élargi aux documents et aux auditions, y compris aux dépenses de fonds spéciaux dédiés à des opérations secrètes. Nous regrettons par ailleurs que le gouvernement actuel se soit opposé à l’élargissement des prérogatives de la DPR proposé par les premiers lors des débats sur la Loi de programmation militaire de 2019-2025.

Si notre souhait de transparence en matière militaire était périlleux ou irréalisable, il ne s’appliquerait pas dans nos démocraties voisines.

S’agissant aujourd’hui des exportations d’armes françaises, nous proposons qu’une instance similaire de contrôle parlementaire permanent soit instaurée.

Et de notre souhait de transparence en matière militaire, gageons que s’il était périlleux ou irréalisable, il ne s’appliquerait pas dans nos démocraties voisines. Le Parlement britannique est de ceux qui nous montrent la voie, lui qui jouit d’une autorité reconnue en matière de défense et d’un droit d’enquête qui nous manque. En Allemagne, le Bundestag incarne le principe de subordination du pouvoir militaire au pouvoir politique; tant est si bien que certains appellent l’armée fédérale la « Parlamentsarmee ». Les licences d’exportations d’armements sont soumises à son approbation, tout comme au Parlement suédois. Nous aimons nous comparer à ces pays dans beaucoup de domaines. Faisons-le aussi dans la pratique de la démocratie pour faire évoluer le modèle français.

Nombreux sont les pays européens où les citoyens et leur représentation nationale peuvent, de plein droit, connaître la nature des engagements militaires de leur État. C’est seulement pour la France que l’on déclare que la transparence devant la représentation nationale serait une menace. En France, non seulement le pouvoir exécutif s’abrite, parfois abusivement, derrière le secret défense, mais le silence est de mise quant à la pratique française qui contraste avec les expériences des grandes démocraties qui nous sont proches.

En France, non seulement le pouvoir exécutif s’abrite, parfois abusivement, derrière le secret défense, mais le silence est de mise quant à la pratique française.

A l’instar de plusieurs ONGs spécialisées et présentes sur les théâtres de guerre, nous avons exprimé nos réserves sur l’opacité du rapport annuel sur la vente et l’exportation d’armes publié en juillet 2018 par le ministère de la défense. Alors que les conflits de ce XXIème siècle offrent aux yeux du monde des tragédies où sont impunément bafouées les règles élémentaires du droit international humanitaire, la France a une responsabilité particulière pour contribuer à la réaffirmation du droit.

Nous, parlementaires, appelons à introduire plus de transparence par un meilleur contrôle de la tra-çabilité des armements vendus par la France. Au nom de l’équilibre des pouvoirs en France, des expé-riences variées en Europe et de la transformation mondialisée des modes d’information, nous appelons à la poursuite de l’évolution des prérogatives de la DRP et à la création d’une commission parlementaire per-manente de contrôle des exportations d’armement. Il ne s’agit pas de remettre en cause la pertinence des choix stratégiques de conception et de production des systèmes d’armements, gages de notre autonomie stratégique nationale et européenne, mais seulement de s’assurer que la France n’est et ne sera pas impliquée dans des crimes de guerre et contre l’humanité à cause de l’usage des armes qu’elle aurait produites et vendues.

Nous savons que la transparence n’est pas une menace, mais le gage d’une démocratie solide qui assume les choix souverains de la nation.


Partager cet article