Lancement du SCAF : le pari risqué du « tout franco-allemand »

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Mercredi 6 février, les ministres Florence Parly et Ursula von der Leyen ont lancé l’étude de concept commune à Dassault Aviation et Airbus pour le développement du système de combat aérien du futur (SCAF), l’avion destiné à succéder au Rafale et l’Eurofigher Typhoon d’ici 2040.

À travers ce partenariat, Paris et Berlin souhaitent adresser un signal fort : le renforcement des liens entre les deux puissances, un pas supplémentaire dans la structuration d’une industrie de défense européenne et de l’autonomie stratégique du continent. Mais au-delà de l’affichage politique, cette nouvelle alliance franco-allemande est-elle pour autant aussi pertinente qu’on nous la présente ? Si l’exécutif français, par la voix de son président de la République et de sa ministre des Armées, présente l’Allemagne comme son partenaire naturel et privilégié, les relations des deux pays souffrent de profondes divergences d’intérêts et de culture stratégique.

Alors que la France, après des décennies de réduction budgétaire (à l’image des autres États-membres de l’Union européenne), a amorcé depuis 2015 une remontée en puissance des moyens alloués à sa défense et a maintenu ses moyens capacitaires lui permettant notamment de s’engager dans des OPEX, un récent rapport parlementaire a révélé les conséquences alarmantes des coupes budgétaires successives subies par la Bundeswehr : une armée aujourd’hui sinistrée, aussi bien sur le plan aérien (la moitié des avions seraient en état de voler) que maritime et terrestre. Outre-Rhin, il semblerait donc que les industriels aient tout à gagner de cette association. Ils récupéreront des compétences perdues de longue date et remettront à niveau leurs technologies de défense. Même si des moyens conséquents sont à nouveau engagés par l’Allemagne, comment comprendre l’enthousiasme de la partie française pour une coopération pour l’instant aussi déséquilibrée ?

Par ailleurs, l’Allemagne retarde depuis plusieurs années des exportations d’armement français intégrant certains éléments allemands, et ce malgré les accords Debré-Schmidt de 1971-1972 selon lesquels aucun des deux gouvernements ne doit empêcher l’autre d’exporter des matériels développés conjointement. Ce blocage pourrait limiter l’export du futur appareil. Il devra impérativement être dépassé dans le contrat qui scellera l’entente et certainement être négocié très en amont du lancement du projet.

Alors que l’avenir du couple dépend déjà du successeur d’Angela Merkel, la France semble faire un pari risqué en misant l’intégralité de ses cartes sur le « tout franco-allemand ». Est-ce par choix, ou parce que le nombre de partenaires est limité ? Est-ce parce qu’elle n’a plus les moyens financiers d’investir seule ? Pour toutes ces raisons sûrement, mais aussi parce que la défense du continent européen ne peut être l’affaire d’un seul pays et qu’il est temps de travailler ensemble. Dommage que nous débutions par une réponse qui semble essentiellement industrielle et financière, quand elle devrait être tout simplement politique !


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