Chères amies, Chers amis,
L’actualité européenne sera riche cette année. Elle a débuté avec la signature d’un nouveau traité franco-allemand, cinquante-six ans après celui de l’Élysée, signé le 22 janvier 1963 par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer. Il s’agit d’une étape importante dans la consolidation des relations entre États même si ce traité, à l’instar de tous les autres ainsi que le pensait Paul Valéry, « est un accord entre des arrières pensées » que le temps révèlera. Mais l’essentiel demeure acquis entre la France et l’Allemagne.
Et il y a le reste, tout le reste d’une actualité violente. Le Brexit et le naufrage du Royaume-Uni, les velléités indépendantistes de certaines régions, la crise franco-italienne, l’assassinat de Londres à Gdansk de femmes et d’hommes de bonne volonté, l’apparition de mouvements politiques qui agrègent colères et revendications sociales dans un paysage politique éclaté, les nationalismes qui se développent sur le terreau de la crise sociale. Et tout cela se passe au cœur d’une mondialisation sans projet qui obscurcit l’avenir en vendant aux peuples une démagogie dont le principal mensonge consiste à affirmer que les frontières feront un parapet suffisant.
Le 26 mai prochain, l’échéance des élections européennes nous oblige plus que jamais à nous mobiliser.
On aimerait croire qu’il suffirait d’admettre l’existence d’une culture commune qui nous rapproche et nous fond dans un même système de valeurs. On aimerait croire que l’argument de la paix suffirait encore. Le rappel de l’intégration économique, qui devrait avant tout aboutir à une interpénétration des économies et rendre toute guerre impossible, suffirait aussi. Rien de tel. Certes, il est important de rappeler que l’Histoire doit appartenir aux femmes et aux hommes, qu’elle dépend de l’esprit des peuples, de leur imaginaire et de leur âme, non des forces impersonnelles du marché ou des fantasmes nés de la peur. Il reste que face à la violence des attaques dont le projet européen fait l’objet, la défensive, le bon sens, la générosité ne suffisent plus. L’Union européenne peut, elle doit, redevenir un idéal.
Alors que naissait voici douze ans un petit garçon que je vois grandir, Georges Berthoin, fils d’un ministre de Pierre Mendès France qui fut l’un des collaborateurs les plus intimes de Jean Monnet, lui écrivait alors : « Je souhaite que ta vie se développe dans le monde dont tes ainés ont rêvé. Le chemin pour y parvenir a été semé d’embuches. On a frôlé l’abandon. Mais en songeant à toi et ceux de ton époque, la volonté d’aller de l’avant a retrouvé une vigueur nouvelle. Nous avons travaillé afin de réussir pour toi la création des États-Unis d’Europe et celle d’un monde sorti de la folie des hommes pour lui permettre de se gouverner selon la sagesse dont ils sont tout autant capables si on sait les respecter. Il te reste, à toi et à tes contemporains, à sauvegarder avec soin ce qui aura été créé, accompli avant et à faire en sorte que, sur cette voie, vous alliez plus loin selon vos idées et celles de votre temps. Ton bonheur personnel en dépendra pour une large part ».
Cette campagne, plus que d’autres, décidera de l’avenir de nos enfants. Alors mobilisons-nous pour réfléchir au modèle de société que nous voulons et votons, votons parce que je suis intimement convaincue qu’il n’y a pas d’alternative à l’Europe rêvée par Georges Berthoin ; et surtout pas celle de nationalismes faussement romantiques que l’on nous présente comme une alternative possible. La tombe de nos idéaux. Oui. Rien de plus.
Bien à vous,
Hélène Conway-Mouret
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