Comment la France fait-elle face à la pénurie de masques?

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Dès l’apparition des premiers cas significatifs de Covid-19 en France, le ministre de la Santé, Olivier Véran, déclarait qu’il n’y avait pas de stocks d’État de masques FFP2 (ceux réservés aux soignants). Notre pays s’est donc retrouvé face à une situation sanitaire dramatique dès le début de la crise. Les personnels soignants à l’hôpital, dans les EPHAD, les caissières de supermarché, mais encore les personnels paramédicaux, ont dû soigner ou être en contact avec les premiers malades, sans aucune protection significative. Ils se sont donc largement exposés à une contamination. Ceci est dramatique quand on connait la propriété ultra-contagieuse du coronavirus.

Commençons par le commencement. Le Coronavirus se transmet par des projections de microgouttelettes de salive d’un individu A à un individu B, donc de A vers les muqueuses de B (œil, nez, bouche) ou si B se touche les muqueuses après avoir été en contact avec un objet contaminé par A, toujours par des projections de microgouttelettes (principalement après une toux ou un éternuement). Voici pour ce qui est de la transmission du virus.

A l’apparition des premiers cas de Covid-19, l’OMS estimait qu’un malade contaminait de 2 à 3 personnes. Des études rendues publiques à la mi-avril 2020 ont démontré, quant à elle, que nous serions davantage sur un risque de contamination de 5 à 6 personnes en moyenne – sans parler des super-propagateurs.

Je ne suis pas médecin. Néanmoins, partant du constat que cette maladie se transmet par une projection salivaire, il apparait évident que tout malade devrait protéger les autres de ses propres projections. C’est ce qu’a préconisé le gouvernement depuis le début de la crise sanitaire, en incitant les seules personnes malades au port du masque. Rien à redire à ce titre puisque la pénurie touchait les soignants, la population ne devait pas être exhortée à en priver ces derniers en portant massivement des masques. Dont acte, mais j’y reviendrai.

Ainsi, depuis la fin février, les seules personnes que l’on croisait masquées dans la rue étaient raisonnablement des personnes malades. Le 3 avril, le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, a créé un véritable tsunami dans le pays puisqu’il a fait évoluer la doctrine la commuant en « personne ne doit porter de masque sauf les malades et les soignants, en « toute la population devrait porter un masque alternatif ». 

Avouez qu’il y a de quoi tomber de sa chaise. Mais qu’en est-il dans d’autres pays ? 

Les pays asiatiques qui ont connu le SRAS en 2003 et le MERS en 2015 sont pour la plupart systématiquement masqués même hors épidémie. Il n’y a qu’à prendre les transports en commun pour s’en apercevoir. D’autres images provenant de Wuhan post-confinement indiquent ostensiblement que chaque habitant est masqué. Il en est de même au Japon, à Singapour ou bien encore en Corée du Sud ou à Taïwan. C’est parce que ces populations ont déjà été confrontées à des épidémies semblables, il y a peu, qu’elles sont bien conscients de la contagiosité et des risques salivaires dans l’hypothèse où personne ne porterait de masque.

Au vu du faible nombre de tests pratiqués en France (cf. mon billet relatif à ce sujet), le nombre de malades n’est que très mal estimé. En plus de cela, comment savoir si vous avez rencontré le Covid-19 alors même que vous n’en présentez aucun symptôme, comment savoir que vous êtes malade si vous êtes en période d’incubation ou bien encore guéri mais encore contagieux ? Bref, tous ces cas de figure qui ne portent pas les stigmates de la maladie mais qui nécessiteraient tous le port d’un masque.

Vous voyez où je veux en venir ? 

C’est très simple. Dès l’apparition des premiers cas en France, à savoir le 24 janvier 2020, toute la population était menacée de contagion puisque le confinement strict n’est entré en vigueur que le 17 mars. Ainsi, entre le 24 janvier et le 3 avril aucune préconisation de port de masque pour l’ensemble de la population n’a été effectuée. Alors, qu’est-ce qui empêchait le gouvernement de préconiser le port de masques alternatifs pour toutes et tous, dès la fin janvier ? Absolument rien.

Révoltant.  Pour des raisons de pénurie de masques destinés aux soignants, les pouvoirs publics n’ont pas demandé à la population de porter un masque alors même que c’est par projection salivaire que se transmet un des virus les plus contagieux que l’Humanité ait jamais eu à affronter. 

Le Président Macron s’est récemment voulu rassurant avec l’annonce d’une commande française de deux milliards de masques au 10 avril. Combien de morts auraient pu être évités si chacun des 67 millions de Français avait, dès la fin janvier, pu se construire ou s’équiper d’un masque alternatif ? Certes, un masque en tissu ne protège pas de la même manière qu’un masque chirurgical ou FFP2, néanmoins il permet de protéger les autres.

Scandaleux. Comment ne pas faire confiance à son peuple en lui disant cela? Probablement par crainte que la population prive les soignants de masques qu’ils n’avaient pas eux-mêmes.

L’Etat se tourne désormais vers les collectivités locales qui sont invitées à fournir des masques à l’ensemble de leurs administrés en vue du déconfinement du 11 mai prochain. Une nouvelle fois, les élus locaux suppléeront les failles d’une impréparation totale de l’Etat face à une pandémie qui fera, in fine, des dizaines de milliers de morts en France et des centaines de milliers à l’échelle mondiale.

Alors pour répondre à la question initiale, la France n’a pas fait face à la pénurie de masques, elle a été contrainte de les commander à l’Asie, deux mois et demi après les premiers cas déclarés de Covid-19 sur son sol. 

La France a été submergée par cette crise sans précédent en termes d’équipements sanitaires. Gageons que cela serve d’expérience à notre pays qui malgré tout paiera un lourd tribut dans les rangs des personnels soignants, véritables héros de cette crise ainsi que tous les « invisibles » qui nourrissent le pays, le nettoient, le protègent et font tourner ce qui reste d’activité économique. 


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