Des avantages et inconvénients du traçage de la population

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Le gouvernement réfléchit à l’utilisation de l’application « StopCovid » pour « traquer » la propagation du coronavirus. De nombreux pays en Asie et en Europe ont déployé des solutions de « tracking » des individus via leur smartphone pour quantifier, géolocaliser, cartographier, contrôler et parfois informer.

Géolocaliser : antennes-relais et données GPS

La géolocalisation permet de reconstituer à l’échelle d’une région ou d’une ville les déplacements de population ; identifier les zones à forte densité et à risque ; anticiper et adapter les capacités d’accueil dans les établissements de santé ; contrôler le respect des mesures de confinement de manière globale ou individualisée.

Les opérateurs télécoms possèdent de nombreuses informations grâce aux données mobiles récoltées par le biais des antennes-relais. 

– Les données sont automatiquement générées dès lors qu’une personne utilise un mobile, et aucune activation de collecte n’est nécessaire par les utilisateurs. Par exemple, Orange fournit à l’Institut français de la recherche médicale (Inserm) des données agrégées, qui ne comportent pas d’information permettant d’identifier les personnes (âge, sexe…), selon l’opérateur. 

– La géolocalisation peut également être réalisée grâce aux réseaux sociaux (Facebook, Instagram…), aux plateformes et à la myriade d’applications mobiles. Les géants américains Facebook et Google ont récemment ouvert aux chercheurs et aux autorités leurs données « agrégées et anonymisées ». Celles-ci proviennent des utilisateurs ayant activé l’option « historique des positions » dans leurs applications.

Certains pays, comme Taïwan et la Pologne, ont même imposé des dispositifs de géolocalisation aux personnes infectées, susceptibles de l’être ou revenant de l’étranger. 

Cartographier : montres et bracelets connectés

Dans une logique assez similaire à la géolocalisation, il est possible de cartographier la propagation du virus à partir d’objets connectés.

Cela peut aider les autorités sanitaires à dresser un aperçu géographique et en temps réel de la propagation de l’épidémie ; contrôler de façon individualisée les mesures de confinement et de quarantaine.

En Europe, l’Allemagne est le seul cas d’école connu, avec l’application « Corona-Datenspende » Celle-ci récolte anonymement et sur la base du volontariat les données de santé issues des montres et bracelets connectés grand public : genre, taille, poids, augmentation du pouls au repos, modifications des habitudes de sommeil et d’activité… mais aussi, le code postal des utilisateurs. Les données sont ensuite analysées et traitées par l’Institut Robert-Koch, qui pilote la lutte contre l’épidémie outre-Rhin.

A Hong Kong, les autorités ont doté toutes les personnes revenant de l’étranger d’un bracelet électronique, similaire à ceux utilisés en cas de peines judiciaires. Celui-ci était ensuite relié à une application devant être téléchargée sur un smartphone. Cette appli peut envoyer un message d’alerte en cas de sortie du périmètre programmé.

Détecter : Bluetooth

La technologie sans fil Bluetooth est au cœur du projet d’application « StopCovid », sur lequel le gouvernement français planche actuellement. C’est également le dispositif qui a été retenu par le consortium de chercheurs européens, baptisé PEPP-PT.

Le principal usage est de détecter et d’informer des sujets « contacts ». Il s’agit d’identifier les personnes ayant été potentiellement exposées au virus suite à la rencontre de malades (avérés ou asymptomatiques).

Recourir au Bluetooth nécessite un pré-requis : l’installation d’une application de traçage numérique, qui fournit un identifiant unique à chaque utilisateur. Une fois installée, l’application détecte par Bluetooth jusqu’à plusieurs mètres les téléphones mobiles également équipés de l’application. Cela permet d’estimer la distance entre plusieurs personnes, ainsi que le temps de contact.

Si une personne dotée de l’application se révèle être porteuse du coronavirus, alors elle se fait connaître auprès des autorités en fournissant l’historique de son application. Cela permet ensuite d’envoyer une notification via l’appli à tous les individus qu’elle a rencontrés.

Avantage principal du tracking : avoir une cartographie de la maladie (à défaut de tester massivement la population) et protéger les personnes ayant été en contact avec des porteurs du virus.

Inconvénients : si la nouvelle révolution numérique offre des avantages incontestables pour la réduction des mobilités domicile-travail, mais aussi pour d’autres actes de la vie quotidienne, y compris pour la santé, elle peut aussi être dévoyée progressivement vers des rivages liberticides, notamment, via certains usages, dont le « traçage » individuel. Il sera d’autant mieux accepté par la population, qu’il sera justifié au nom d’un impératif majeur que sont la santé et la vie de nos concitoyens, mais aussi par d’autres arguments. 

Pour les plus modestes, au nom de la solidarité nationale, dès lors que le « traçage » devient une obligation, l’État n’hésitera pas à mettre directement « la main à la poche » pour doter, gratuitement ou à très faible coût, ces populations en smartphones, voire en ordinateurs portables. 

Le risque, c’est aussi la banalisation des systèmes de mesure de soi, des technologies qui permettent de calculer l’activité humaine. La seule chose qui empêche actuellement l’État d’aller plus loin en matière de surveillance numérique, c’est le degré d’acceptabilité de la population. On ne met pas en place une nouvelle pratique tant que l’on pense qu’elle ne sera pas acceptée. Or il se pourrait bien que l’acceptation du tracking, pendant la crise sanitaire, banalise des pratiques qui n’auraient jamais été possibles avant elle. « La Technopolice pourrait trouver dans cette crise sanitaire l’assise culturelle qui lui manquait tant. »

En conclusion, il est évident que si une telle application est mise en place en France, le respect de la vie privée et le consentement de la population devront être strictement observés. Reste à savoir dans quelle mesure tracking et vie privée restent conciliables. Pour ma part je suis très réservée sur le sujet. Je pense qu’une campagne de prévention et de protection de la population passe par le port de masques et le dépistage systématique de la population, du confinement des personnes contaminées aux premiers symptômes et du nettoyage régulier des lieux publics. Si cela marche dans les autres pays il n’y a pas de raison que nous ne puissions faire de même. Il nous faut un plan stratégique sanitaire global dont on ne connaît rien jusqu’à présent. 


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