Mon édito de l’été

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Chères amies, Chers amis,

Nous attendions tous le début de l’été qui devait d’abord, pour bon nombre d’entre nous, nous permettre de retrouver enfin les nôtres dont nous avions été séparés depuis plus d’un an. Ce faisant, il devait marquer la fin des restrictions et le retour à une vie normale. C’était sans compter l’apparition de « variants » même si la surprise vient moins de ces derniers (car que peut-on attendre d‘un virus si ce n‘est qu‘il s’adapte ?) que de l‘incapacité corrélative de l‘État à adapter ses structures et son système de soins.
 
Le régime d’une peur continue est ainsi entretenu à un niveau qui ne faiblit pas et n’enregistre que des pics. L’habitude est prise de vérifier les contaminations et hospitalisations au quotidien, ce qui non seulement permet aux gouvernements de prolonger l’état d’urgence sanitaire mais aussi d’étendre aux actes les plus anodins de notre quotidien l’obligation de présenter un « pass sanitaire » avec l’assentiment d’une majorité dont la seule motivation est celle de se protéger.
 
C’est l’objectif du dernier projet de loi présenté au Parlement par le gouvernement français qui, par le biais de la procédure accélérée, a bâclé un débat pourtant nécessaire tant il touche aux intérêts fondamentaux et aux valeurs de notre société. Nul doute qu’une couverture vaccinale maximale est l’un des principaux outils de lutte contre la pandémie. Mais ce texte est pour moi « l’arbre qui cache la forêt ». En effet, derrière le devoir de protection sanitaire de la population se cache des transformations profondes de l’exercice de nos droits et libertés. Nombre de dispositions paraissent complètement disproportionnées et les restrictions proposées le sont tout autant. Souvenons-nous de l’intensité du débat qui avait présidé à l’adoption de la loi « sécurité et libertés » en février 1981. Autres temps, autres mœurs parlementaires…
 
L’instauration d’un contrôle permanent de l’espace public par des personnes privées chargées de vérifier la situation sanitaire des individus auxquelles est octroyée une forme de pouvoir de police ; les restrictions d’accès aux transports publics dans les TGV mais pas les TER, RER, métro ou bus et aux services comme la restauration commerciale mais pas collective alors qu’une part importante de la population, les plus précaires et les plus jeunes, n’a pas eu accès à la vaccination au printemps ; l’atteinte au droit fondamental des enfants de participer pleinement à la vie culturelle et artistique (article 31 de la Convention internationale des droits de l’enfant) pour les plus de 12 ans non vaccinés… 
 
Voilà les grandes lignes du texte sorti de l’Assemblée nationale qui, malgré les améliorations apportées par le Sénat, contribue de fait à l‘instauration d‘un régime discriminatoire et à la division du pays. Pour ces raisons et bien d’autres encore, j’ai voté contre ce texte comme l’ensemble des membres de mon groupe sénatorial. 
 
Il me semble que nous n’avons pas à basculer dans une société de surveillance et de contrôle permanent, relevant d’une culture et d’un modèle de société qui n’est pas le nôtre, pour inciter la population à une responsabilité collective. L’accès de tous à une information ouverte, libre et contradictoire est indispensable pour redonner confiance à une Nation que les incohérences, les contradictions, les annonces sans applications concrètes et la novlangue gouvernementale conduisent au doute.
 
Je pense aussi à l‘incertitude et à l’angoisse de celles et ceux qui ne « cochent » pas toutes les cases, tels que les Français résidant à l’étranger à qui on a interdit le retour en France dans un premier temps, que l’on a ensuite encouragés à se faire vacciner à l’étranger pour enfin leur dire que la France ne reconnaissait pas les vaccins ni le « QR code » étranger quand ils en ont un. Imaginons ce qu’ils peuvent en penser. Les étudiants et chercheurs étrangers à qui une place a été offerte dans une université ou un laboratoire français et qui ne peuvent obtenir de visa parce qu’ils ne figurent pas sur la liste des motifs impérieux ou les partenaires étrangers de Français qui ne peuvent les rejoindre pour les mêmes raisons sont tout aussi fondés à douter de la légitimité sanitaire qui leur est opposée.
 
En fin de compte, le principal reproche à faire au gouvernement réside dans l‘infantilisation de la population à laquelle il se livre à coup d’arguments d’autorité. Je crois pourtant nos compatriotes suffisamment éclairés et lucides pour accepter et supporter la vérité issue du débat. Nous acceptons tous que la protection de la santé puisse justifier quelques restrictions de nos libertés. Mais en démocratie, la légitimité des décisions repose sur leur explication et leur partage. Dans un pays réellement en guerre, Clemenceau disait : « Gloire au pays où l’on parle. Honte au pays où l‘on se tait ». Cela demeure tellement vrai…
 
Je vous souhaite un bel été dans l’attente de vous retrouver à la rentrée prochaine. 

Bien à vous,

Hélène Conway-Mouret


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