La dilution annoncée du corps diplomatique: faire table rase d’un passé qui ne mérite pas d’être détruit

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Dans une décision rendue le 27 mars 2019, le Conseil d’État annulait le décret du 3 août 2018 ajoutant à la liste des emplois à la décision du gouvernement 22 postes de consuls généraux, rappelant que les emplois de consuls ne sont pas, par eux-mêmes, à la décision du gouvernement (à l’exception du poste de consul général à Jérusalem). La juridiction suprême de l’ordre administratif avait été saisie par plusieurs syndicats de fonctionnaires du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, qui s’opposaient en particulier à la nomination de l’écrivain Philippe Besson, proche du président de la République, au poste de consul général à Los Angeles. Cette affaire, que j’ai suivie de près étant personnellement opposée à ce qui était alors proposé et qui rappelle que servir l’État à l’étranger requiert des compétences spécifiques, trouve un écho particulier aujourd’hui, à l’heure où la carrière diplomatique se trouve à nouveau menacée de dilution.

 

En effet, un article paru dans le journal Le Monde le 28 octobre 2021 apporte des indications sur la manière dont la réforme de la haute fonction publique engagée par le président de la République s’appliquera aux diplomates. Ainsi, deux corps devraient disparaître à partir de 2023 – celui de conseiller des affaires étrangères et celui de ministre plénipotentiaire -, au profit du corps unique des administrateurs de l’État créé avec l’Institut national du service public (INSP) et ayant vocation à pourvoir tous les postes de la haute fonction publique, des préfets aux inspecteurs généraux des finances en passant par les ambassadeurs. De nombreuses inconnues demeurent toutefois, notamment s’agissant du sort qui sera réservé au corps des secrétaires des affaires étrangères et concernant la pérennité des concours de cadre d’Orient – qui permettent de recruter de fins connaisseurs de trois régions du monde (Europe orientale et Asie centrale, Afrique du Nord et Moyen-Orient, Asie méridionale et Extrême-Orient) maîtrisant des langues rares.

 

Avant que ces points ne s’éclaircissent et que les modalités concrètes de mise en œuvre de la réforme ne soient précisées, il me paraît essentiel de rappeler que les diplomates ne sont pas des fonctionnaires comme les autres. Avant d’être un métier, la diplomatie est une vocation, voire une passion, qui exige une très grande disponibilité et un engagement de chaque instant au service du rayonnement et de l’influence de la France mais aussi de tous les Français qu’ils soient de passage ou résidents à l’étranger. C’est aussi – il ne faut pas l’oublier – un métier qui demande des sacrifices familiaux et personnels qui ne sont pas anodins de part la mobilité imposée tous les trois ans. Par ailleurs, il n’est pas facile de vivre dans des pays dans lesquels le niveau de sécurité est faible et les services publics quasiment inexistants, de demander à son conjoint de renoncer à sa vie professionnelle ou encore d’être éloigné de ses proches. Ce sont des sacrifices auxquels les diplomates consentent parce qu’ils veulent  servir leur pays à l’international.

 

Si la volonté d’ouvrir la haute fonction publique à l’ensemble de la société française, de favoriser la mobilité et de diversifier les profils doit être saluée, ceci ne doit pas se faire au détriment des compétences particulières requises par notre personnel diplomatique. Les fonctionnaires, de même que les agents du secteur privé, ne sont pas interchangeables : ils ont, chacun, des connaissances particulières qui les rendent aptes à occuper certains emplois. Nier cette réalité, c’est mettre en danger la qualité des services rendus aux usagers et, s’agissant de la diplomatie plus spécifiquement, c’est également prendre le risque d’être moins bien armé pour défendre la place que nous continuons à occuper dans la compétition internationale qui ne fait que s’accroître. N’oublions pas que ce qui fait la force de notre réseau diplomatique et consulaire, ce sont avant tout les ressources humaines. Se priver de spécialistes des régions orientales serait une grave erreur, en particulier au moment où ces régions du monde jouent un rôle croissant sur la scène internationale. Si nous voulons préserver l’efficacité de notre politique étrangère, utilisons au mieux les savoir-faire de ceux qui la mettent en œuvre. Dans le cas présent je ne vois pas l’intérêt de bouleverser ainsi notre diplomatie, enviée dans le monde entier et qui a fait ses preuves depuis fort longtemps. Je connais bien ce ministère, à l’opposé des clichés qu’on lui attribue;  il s’adaptera aux changements sans que l’on ait besoin de tout casser. 


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