Pourquoi j’ai voté contre le « passe vaccinal »

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J’ai voté contre le « passe vaccinal » et je souhaitais m’en expliquer

Soyons clair, je ne suis pas contre les vaccins ! Alain, qui s’était engagé en 1914 et fut automatiquement vacciné contre le typhus, pesta contre « cette eau sale [qu’on lui] injecta pour le rendre malade au commandement » et d’ajouter : « Je maudis les médecins autant qu’on peut les maudire. Il n’en reste pas moins qu’il faut faire du sérum et se prémunir en ces temps affreux ». Et bien, je suis comme Alain. Les vaccins ont sauvé des millions de vies depuis des décennies et l’arrivée, par exemple, du vaccin contre le paludisme est une des meilleures nouvelles de 2021. En l’absence de tout autre protocole médicamenteux, qui arrive lentement sur le marché, le vaccin semble être pour l’instant la meilleure façon de lutter contre l’épidémie du coronavirus. Les choses sont acquises et on ne me le reprochera pas.

Ce vote contre s’imposait cependant. Mon Groupe a bien tenté d’encadrer au mieux les mesures liberticides introduites et reconduites par ce texte. Le limiter dans le temps semblait aussi nécessaire. Il n’en reste pas moins que ses amendements ont été repoussés et avec eux toute possibilité de mesure. 

Mon opposition à ce texte était aussi plus fondamentale. Il est à mes yeux un bel exemple d’opportunisme politique pour montrer que le gouvernement agit pour le bien-être de la grande majorité de Français, réconfortée par le fait que ces nouvelles restrictions ne la concernent pas ! Je repense en cet instant aux tableaux de la vie parlementaire française de Théodore Herzl. Si fin connaisseur de notre vie politique, il écrivit un soir : « L’on ne peut gouverner qu’avec opportunisme et cynisme. C’est d’ailleurs une tautologie : « opportunisme » et « gouvernement » sont en fait synonymes (…) ».

Opportunisme, tant ce texte est entaché d’incohérences. Il faudrait donc contraindre nos proches à demeurer chez eux pour des motifs sanitaires au moment même où le Premier ministre lève la plupart des restrictions et ouvre nos frontières avec des pays très largement plus contaminés que le nôtre. Alors avons-nous besoin de durcir les règles qui régissent notre vie ou arrivons nous à la fin de l’épidémie et alors pourquoi introduire ce  passe vaccinal ? Est-il cohérent d’imposer ce « passe » pour prendre un café dans un bar ou le TGV mais en dispenser ceux qui se pressent sur les lignes 13 ou 8 (et il y en aurait d’autres …) du métro parisien aux heures les plus fréquentées ? J’y vois une contradiction dans les annonces et les mesures qui sont prises et le bon sens n’est définitivement pas la chose du monde la mieux partagée. 

Ha, certes, ce texte aurait pu constituer une avancée majeure dans notre politique de santé publique, si le gouvernement avait décidé de renforcer les moyens de l’hôpital public et surtout proposé des mesures concrètes pour lever la pression insupportable imposée aux personnels soignants depuis deux ans et faire disparaître les trop nombreux déserts médicaux car enfin soyons honnêtes. Quelle que soit la gravité de ce virus, il a été fait le choix d’en prévenir les effets plutôt que de le guérir ; il a été fait le choix – pour un coût global qu’il sera intéressant de connaitre – de « faire peur » à nos concitoyens uniquement pour prévenir l’embolie d’un système hospitalier que l’on démembre et privatise sous prétexte de rationalisation de la carte hospitalière. Car la seule explication est bien ici : nos proches meurent parce que l’on a fait le choix budgétaire de ne pas privilégier l’hôpital et la santé ! Voilà le vrai motif des textes qui nous sont imposés, dans des débats parlementaires en procédure accélérée qui ne permettent ni une préparation sérieuse ni un débat serein.  

Au lieu de mesures qui auraient eu un réel objectif sanitaire, le gouvernement a choisi de stigmatiser une minorité (moins de 10% des Français) et de passer en force,  en faisant jouer l’opposition entre les vaccinés et les non vaccinés. Personne n’ignore que la multiplication des scandales sanitaires depuis 30 ans (vache folle, Médiator, hormones de croissance, Chlordécone …) a profondément affecté la confiance de la population envers les responsables politiques et ce d’autant plus qu’il a pu être démontré que des intérêts économiques avaient pu prévaloir sur la protection de leur santé. Et bien malgré cela, le chef de l’Etat revendique encore de fracturer un peu plus la société en instrumentalisant cette crise. 

Alors oui, j’ai voté contre les nouvelles restrictions de mobilité et un contrôle d’identité accru ! Contre aussi, parce que le gouvernement a volontairement refusé de tenir compte de la situation de nos compatriotes vivant à l’étranger et qui rentrent en France. Par exemple, personne ne me répond quand je demande comment feront les Français qui arrivent à Roissy avec un parcours vaccinal complet dans leur pays mais non reconnu en France, avec un test PCR négatif qui leur permettait jusqu’à présent de prendre les transports en commun. Parce qu’ils seraient utilement vaccinés (et immunisés) grâce à des vaccins russes ou chinois que nous ne reconnaissons pas, il faudrait leur imposer de nouvelles injections. Pourquoi le gouvernement a-t-il refusé – comme l’Australie le permet – l’entrée sur son territoire des personnes vaccinées  avec Spoutnik venant de Russie mais étant acceptées quand elles viennent de Hongrie, à la base de reconnaissance de l’efficacité prophylactique de ce vaccin ? 

Tout cela nous donne l’impression que ce n’est pas l’immunité de la personne qui compte mais bien le fait qu’elle soit en conformité avec une législation et réponde à toutes les demandes de contrôle qui lui seront imposées. 

Je regrette tellement l’instrumentalisation de cette crise et de la peur, la division organisée de la société, la réduction continue de nos libertés publiques et individuelles alors que la pédagogie, la délibération et la recherche du consensus auraient dues être notre méthode première, celle qui fut, quoiqu’on en pense la méthode « Hollande ». Je pense aussi qu’il est du rôle du législateur de ne pas s’inscrire dans l’immédiateté mais dans le long terme. Et dans le débat « sécurité » versus « liberté », même si instinctivement on choisit la première dans un premier temps, il est de notre devoir de préserver la deuxième. La liberté de choix en fait partie. Ce n’est pas la moindre des grandeurs de François Mitterrand de l’avoir toujours défendue et le moindre des regrets de constater que certains de mes proches l’ont oubliée. 


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