Mon déplacement en Colombie

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Lors de mon arrivée à Bogota, j’ai découvert l’immense capitale de plus de 7 millions d’habitants, perchée à plus de 2600 mètres d’altitude dans la cordillère des Andes. J’ai été accueillie par notre Ambassadeur en Colombie, Frédéric Doré et sa première conseillère Sonia Barbry. Nous avons eu une première réunion de cadrage à l’Ambassade pour faire le point sur la situation politique et économique du pays et la présence française, en présence de l’Ambassadeur, la première conseillère, la conseillère politique Kim Ramoneda, le chef du service économique, Pierre Sentenac et la conseillère de coopération et d’action culturelle, Clarisse Paolini.

C’est la première fois que je me déplace en Colombie, dans un moment historique pour ce pays marqué par des années de conflit ayant pris fin en 2016 lors de la signature des accords de paix avec les FARCS. Je suis arrivée la veille de la remise du rapport très attendu de la Commission de la vérité à la société civile « Si Hay Futuro, si hay Verdad, Il y a un avenir, s’il y a la vérité ». Ce rapport est le fruit de l’audition de plus 30 000 victimes et auteurs de crimes de guerre en Colombie. Il a pour objectif de trouver une réparation symbolique pour les personnes affectées par le conflit et d’entamer un chemin vers la réconciliation. Ce rapport soutenu par la France est traduit en français et sera diffusé dans nos établissements français et dans nos alliances.

L’élection de Gustavo Pétro, ancien guérillero, premier président de gauche, porte en lui de nombreux espoirs avec 45% de sa population sous le niveau de pauvreté. L’arrivée au pouvoir du premier président de gauche a été rendue possible notamment grâce à la mobilisation de la jeunesse dans le contexte du mouvement social du printemps dernier. Ce pays est le plus inégalitaire de la région latino-américaine avec 50% des emplois informels dans un contexte encore marqué par de nombreux trafics de drogues, d’armes et d’humains.

La France avec ses 230 filiales comme Exito (groupe Casino), Suez, Véolia, Renault, Thalès, Téléperformance, est le premier employeur étranger an Colombie avec plus de 150 000 emplois directs. Malgré les 50 ans de conflit, la Colombie a une croissance économique forte de 6% et a rejoint en 2020 l’OCDE. L’objectif du président est de mener a bien des réformes importantes : la réforme fiscale pour financer des programmes sociaux, la réforme agraire fondamentale dans ce pays où il n’existe pas de cadastre et la réforme du système de santé afin que la population accède à un service de santé de qualité. Le président a fait de l’urgence écologique une priorité marquée par l’arrêt des exploitations des ressources fossiles.

 

J’ai ensuite échangé avec l’ensemble des équipes de l’Ambassade. J’ai rencontré le Colonel Jean-Christophe Bergé pour discuter des objectifs premiers de coopération entre nos deux pays comme la lutte contre le narcotrafic maritime, la lutte contre l’orpaillage clandestin et la lutte contre la traite des personnes.

J’ai rencontré le consul adjoint Julien Rouchon, à la tête d’une section consulaire de 7 agents, impactée par deux suppressions de postes notamment au service des visas. Avec la pandémie et le confinement très strict en Colombie, les retards pour obtenir les passeports et visas se sont accumulés. 5415 ressortissants français sont inscrits au registre mais on estime cette communauté à 9000 personnes qui est à 53% binationale. Le consulat gère de nombreux problèmes de sécurité pour les touristes et résidents français. Le pays présente encore de nombreuses régions à risque contrôlées par l’Armée de libération nationale « l’ELN », des groupes paramilitaires ou des narcotrafiquants.

 

Pour clôturer cette première journée, je me suis rendue avec notre conseillère des Français de l’étranger, Cécile Lavergne, à l’évènement organisé par l’Ambassade d’Irlande pour la campagne « Defendamos la vida », initiative portée par plusieurs Ambassades de l’Union européenne depuis 2019 pour protéger les leaders sociaux, les syndicalistes et les défenseurs des droits. Depuis le début de l’année, 230 défenseurs des droits de l’homme et de l’environnement ont été assassinés du fait de leurs engagements.

Le soir, j’ai partagé un moment convivial avec des militants de l’ADFE en présence des conseillers des Français de l’étranger, Cécile Lavergne et Colin Gavignet.

Le lendemain, j’ai rencontré les membres de la section du commerce extérieur de la France en présence de Jérôme Copin, président de Thalès défense, Jean-Hugues Chailley, président d’AgroyFinance, Jean-Claude Bessudo président d’Aviatur, Xavier Laloum de Setec Infrastructures, Colas Martinet de Transdev, Alexandre Toutlemonde de TXT communications en présence du chef du service économique et des élus. Nous avons abordé la période de transition économique qui suit l’élection présidentielle, les impacts économiques dus à la crise sanitaire ayant conduit 30% des entreprises à mettre la clé sous la porte, les enjeux sécuritaires qui ne favorisent pas le recrutement de Français, le manque d’investissement dans les infrastructures colombiennes, la création d’une première ligne de métro exploitée par Transdev et les problèmes de corruption et d’optimisation fiscale avec le Panama qui minent le développement de ce pays.

J’ai assisté avec beaucoup d’émotion à la présentation du rapport de la Commission de la vérité à la société civile en présence de notre Ambassadeur. Ce fut un moment particulièrement émouvant emprunt des témoignages des victimes, des familles des personnes disparues mais aussi en présence des représentants des FARC qui ont reconnu leurs responsabilités. Cette justice transitionnelle est le seul moyen pour entamer le processus de reconstruction au sein d’une opinion publique encore divisée dans son rapport au conflit. La guerre a fait 6, 7 millions de déplacés internes, 790 000 morts, 110 000 disparus, sans compter les séquestrations. En tout 8.2 millions de personnes ont été touchés par ce conflit.

J’ai ensuite passé l’après midi à échanger avec les acteurs du lycée français Pasteur avec les membres du Conseil d’administration, la direction du Lycée en présence du proviseur M. Valentin et avec les représentants des parents d’élèves et des enseignants. Cet établissement de droit privé colombien conventionné avec l’AEFE compte près de 2000 élèves et obtient 100% de réussite au baccalauréat. Les difficultés de fonctionnement se sont aggravées durant le confinement. Ce fut donc une période particulièrement compliquée pour la communauté enseignante et les familles.

 

Enfin, lors de la rencontre avec la directrice de l’Agence française de développement, Myriam Bouslama, j’ai pris connaissance des nombreuses actions de cette agence qui finance les ONG et acteurs de la société civile dans les domaines de la cohésion sociale et le respect du climat et de l’environnement.

La journée du lendemain, j’ai rencontré le président Carlos Andres Molano et vice-président Alexandre Toutlemonde, de la chambre de commerce internationale sur les chantiers économiques du pays au regard des objectifs fixés par le président Pétro. Nous avons abordé le défi de la réforme fiscale, sur 50 millions d’habitants, seulement 1, 5 millions de personnes paient des impôts.

La matinée a continué par des rencontres avec des ONG sur la lutte contre la traite des femmes avec un projet d’accompagnement social « Aurora » soutenu par l’Ambassade de France pour aider ces femmes à sortir de la prostitution. La Colombie est malheureusement devenue le paradis de l’exploitation sexuelle.

J’ai ensuite rencontré des représentants du CINEP, centre d’investigation et d’éducation populaire qui travaillent en partenariat avec d’autres acteurs locaux et internationaux sur des problématiques majeures de la région andine et, plus largement, sur la question agraire, les inégalités sociales, le problème de la drogue, la démocratisation des régimes politiques, le respect des droits de l’Homme, la pacification de l’Amérique centrale.

Enfin, j’ai discuté de la situation politique colombienne avec deux nouveaux élus, Ariel Avila chercheur, auteur d’un livre à succès « Après la guerre » et élu Sénateur pour la première fois le 13 mars dernier, et Diogène Quintero, élu de la circonscription spéciale pour la Paix du Norte Santander. La société colombienne est divisée car le pays est gouverné depuis 70 ans par une élite de 54 familles qui monopolisent le pouvoir et se partagent 6 hectares de terres. Le conflit est pour M. Avila une lutte pour l’inclusion démocratique. Les quatre années du Président Pétro vont reconfigurer le paysage politique pour les années à venir. La priorité étant la réforme fiscale et l’instauration d’un salaire minimum, et la lutte contre la corruption dans ce pays en proie à tous les trafics : drogues, armes, mines, traites des femmes.

En fin d’après-midi, j’ai visité l’entreprise Thalès en présence de son président pour la région Andine, Jérôme Copin qui nous a présenté leurs projets de reconnaissance biométriques utilisés notamment par les aéroports mais également par les opérateurs bancaires.

 

La journée s’est clôturée par une rencontre avec Mireille Girard, directrice du Haut-Commissariat aux réfugiés qui s’occupe des 2 millions de Vénézuéliens qui arrivent chaque année sur le territoire colombien mais également des 6, 7 millions de déplacés internes du fait de la guerre avec les FARC.

J’ai consacré ma dernière journée à la visite du Lycée français de la Calera, établissement privé récemment homologué par l’AEFE pour ses classes de maternelles, situé au milieu des montagnes à une heure de Bogota. Cet établissement dirigé par le proviseur Marc Bourthoumieu, impressionne par la modernité de ses infrastructures et la qualité de son enseignement.

J’ai ensuite échangé avec nos trois conseillers des Français de l’étranger, Cécile Lavergne, Colin Gavignet et Cyrille Martiquet qui travaillent ensemble à aider nos compatriotes dans les difficultés rencontrées vis-à-vis de leurs retraites, de leurs certificats de vie, du renouvellement de leurs papiers d’identité, de la scolarisation de leurs enfants.

Ce déplacement s’est terminé par quelques visites, celle de la fabuleuse exposition de photos sur le conflit avec les FARC au Centre historique de la mémoire, de la visite du musée Botero, et de la découverte du joli quartier colonial de la Candelari.


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