Mon discours lors de l’inauguration du monument Amicitia pour célébrer l’amitié franco-canadienne

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L’inauguration d’Amicitia est une célébration de l’amitié. D’abord l’amitié entre deux peuples qui partagent une histoire de plus de quatre siècles et quatre-vingt-dix ans de relations diplomatiques officielles.

Ensuite, l’amitié entre deux bénévoles très investis dans le devoir de mémoire, Christophe Raisonnier et André Lévesque, dont le rêve de lui donner une forme physique en 2018, nous permet d’inaugurer quatre ans plus tard un monument hautement symbolique.

L’amitié aussi que je partage avec l’honorable Serge Joyal, sans qui ce magnifique projet n’aurait pas abouti. 

L’amitié encore pour les présidents d’associations Yann- Alexandre Girard de Français du monde Ottawa-Gatineau, Sylvie Bragard de l’union des Français de l’étranger Ottawa Gatineau et Jacques Janson des décorés de la légion d’honneur d’Ottawa qui dans un élan de solidarité ont soutenu le projet de construction de ce premier monument binational franco-canadien. 

Et enfin la fondation Beechwood du cimetière national du Canada qui a cédé le terrain sur lequel nous nous trouvons. 

C’est bien la somme de toutes ces relations qui a débouché sur cette splendide œuvre dans laquelle chaque détail a son importance. La locution latine retenue comme point d’équilibre entre les deux langues officielles du pays, les avant- bras féminin et masculin marquant l’égalité des genres, la torche qui éclaire le monde contre l’obscurantisme et symbole de paix pour laquelle nos deux pays militent, nos emblèmes  d’une Marianne enlassée par une feuille d’érable et de nos deux drapeaux qui flotteront côte à côte, enfin les décorations qui honorent celles et ceux pour leur bravoure, leur engagement parfois jusqu’au sacrifice de leurs vies pour la défense d’un idéal démocratique dont nous sommes les héritiers.

Retrouvez ci-dessous l’intégralité de mon discours, tenu le 16 octobre 2022, à Ottawa :

Mes chers amis français et canadiens ; comme peuvent l’être ceux qui ont en partage un héritage riche et tragique et qui, aux heures sombres du Siècle précédent, au moment des périls de la Guerre, ont su partager le prix du sang et de l’espoir,

Alors que s’est achevé le temps triste des commémorations, je sais ce moment privilégié, et je vous remercie de m’y avoir associée.

Pour avoir parcouru les terres de la première guerre,
des Diggers d’Arras au chemin des Dames,
de la cote 204 au cimetière de Vimy,
des fantômes de Landowski à la caverne du Dragon,
et du cimetière militaire de l’Oise et de l’Aisne à celui de la Brigade Garibaldi,
je sais le poids de la mémoire.

Ce monument national, qui commémore l’amitié franco-canadienne, contribuera à la rendre vivante car la mémoire n’est rien si elle n’inspire pas l’avenir. Aussi suis-je heureuse – pour autant que le bonheur puisse trouver à s’exprimer lorsqu’il convient de célébrer la mémoire de ceux qui nous manquent – que ce mémorial de Beechwood ait finalement pu voir le jour.

« Their Glory shall not be blotted out” disait Kippling.

En se dressant sur le sol canadien, ce mémorial rappelera la mémoire d’hommes qui ont avancé sur le chemin de l’honneur et du devoir, parfois jusqu’au sacrifice de leur vie, toujours jusqu’au bout de leurs forces, de leur idéal de liberté, de leur passion pour leur pays. Dans son roman, le fils de l’irlandais – terre qui m’est chère et qui dans le bouleversement interne qui était celui de l’occupation anglaise dut cependant faire le choix de la neutralité – Georges Dor écrit que « tout homme qui se tient debout est le plus beau des monuments ». Il n’est pas impossible que l’amour qu’il aurait eu du Canada ait pu lui inspirer ces mots qui me semblent si juste aujourd’hui.

Par ce monument à l’édification duquel la France se devait de participer, vous invitez le passé à venir déposer devant nous les germes du futur. Les combats d’hier ont dorénavant cédé la place à l’amitié des peuples tandis que notre relation transatlantique semble retrouver une légitimité nouvelle. L’avenir toujours.

Face à la perte aussi subite et cruelle d’un proche, que nous reste-il ? si ce n’est de se rappeler pour ne pas rendre sa perte vaine. Elie Wiesel, prix Nobel de la paix, disait : «le bourreau tue toujours deux fois, la seconde fois par l’oubli.»  Notre présence à tous, ici, en ce jour, cherche avec humilité à honorer un sacrifice qui donne à notre amitié, le gout du sang et le poids du soldat mort dans les bras de ses camarades, qui donne à notre amitié la force de la promesse faite sans doute à nombre de ceux auxquels il fut promis de revoir « leur Belle Province » alors qu’ils s’éteignaient sur la Terre de France.

S’exprimant en 1987 lors d’un voyage officiel, François Mitterrand relevait que « si l’on refusait les mondes nouveaux, on raterait toujours le rendez-vous avec une expression majeure de l’esprit ou de l’histoire ». Et, ajoutait-il, « ce n’est pas l’intention du Canada, ce n’est pas celle de la France. Nous sommes l’histoire, nous sommes l’avenir ».

Ce monument en sera l’expression.


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