Mon interview pour Expat.com sur ma mission de sénatrice des Français établis hors de France et l’importance de la présence française à l’étranger.

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« C’est l’émigration qui casse l’ethnocentrisme ».

Pour le site Expat.com, je reviens sur ma mission principale de préserver les intérêts des Français établis à l’étranger mais aussi la perception des expatriés français et de l’importance de la présence française à l’étranger.

Retrouver l’intégralité de l’interview en cliquant ici ou la retranscription ci-dessous :

Représentant quelque 3 millions de Français vivant à l’étranger, la Sénatrice Hélène Conway-Mouret porte plusieurs chapeaux, y compris celui de secrétaire de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat. Sa principale mission reste cependant la préservation de l’intérêt des Français de l’étranger sous tous ses aspects. Dans un entretien accordé à Expat.com, la Sénatrice nous parle non seulement de la perception des expatriés français mais aussi de l’importance de la présence française à l’étranger.

Quel est votre rôle en tant que Sénatrice des Français de l’étranger et quels sont les principaux axes auxquels vous accordez votre plus grande attention ?

Je représente les quelque trois millions de Français établis à l’étranger et mes rôles sont multiples. Je suis tout d’abord en constante relation avec les conseillers des Français de l’étranger pour les soutenir dans la résolution des problématiques locales qui peuvent être très diverses puisque ma circonscription est mondiale, ainsi que les représentants de nos différents réseaux à l’étranger.

Je suis également secrétaire de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat et co-rapporteure du budget de l’équipement des forces armées françaises. Très engagée sur la défense européenne, j’ai proposé au bureau de la commission puis présenté avec mon co-rapporteur quatre rapports parlementaires. J’interviens dans de nombreux « think tanks » et fora internationaux sur la base de mes travaux de recherche et nombreuses auditions. Je publie et milite inlassablement pour la paix en lien avec mon engagement pour la fondation et l’institut Jean Monnet.

Dans le cadre de la fonction que j’occupe, les sujets qui me tiennent le plus à cœur sont les droits des femmes – j’ai été vice-présidente de la délégation aux droits des femmes pendant trois ans et ai travaillé sur plusieurs rapports parlementaires.

Parlez-nous de vos actions les plus récentes en faveur de l’intérêt des Français de l’étranger. Quelles sont les principales inquiétudes des Français de l’étranger ?

Avec mon équipe à Paris, nous traitons chaque demande individuelle qui nous est communiquée et tentons de trouver des solutions à des problèmes souvent particuliers.

Je suis très régulièrement sur le terrain et enregistre les problématiques que rencontrent nos compatriotes au quotidien dans leur pays de résidence et interviens à mon retour à Paris auprès des administrations et des ministères compétents quand la solution relève de leurs prérogatives.

Dans mon rôle de législatrice, je m’assure que les intérêts des Français établis hors de France sont pris en compte dans tous les textes législatifs déposés par le gouvernement.

Enfin, je m’inscris dans la continuité de mes combats pour les femmes (présentation d’une PPL sur les congés menstruels), pour la défense (LPM 2024-2030 voté en juin prochain), et pour l’aide aux réfugiés et le droit à l’asile, en particulier les Afghanes et les Iraniennes.

Aujourd’hui, les principales inquiétudes des Français de l’étranger restent dans le domaine social avec une précarisation de la communauté française, les difficultés d’accès aux services publics français dues à la réduction des moyens à la fois dans nos consulats et dans nos établissements scolaires et culturels ainsi que des enjeux de sécurité dans leur pays de résidence.

L’un des plus récents débats, la réforme des pensions, va affecter la vie des retraités français vivant à l’étranger. Qu’est-ce qui est fait pour les soutenir ?

Nous avons travaillé à un grand nombre d’amendements fondés sur des témoignages très concrets ainsi que sur le travail des conseillers des Français de l’étranger qui sont au plus près des réalités du terrain.

Malheureusement, le véhicule législatif retenu par le gouvernement d’un PLFSSR (projet de loi de finances rectificatif de la sécurité sociale) au lieu d’un PLFR (projet de loi de finances rectificatif) a considérablement réduit le nombre d’amendements que nous aurions pu déposer. Ainsi, seuls deux amendements ont été retenus sur les vingt que j’ai présentés.

Malheureusement, le fait de repousser l’âge du départ à la retraite de deux ans va rendre encore plus difficile la liquidation de la retraite avec 43 annuités pour les Français dont la mobilité à l’international entraîne des carrières hachées, voire des périodes sans cotisation. Cette réforme est d’autant plus injuste pour eux puisqu’ils ne pourront pas aspirer à une pension complète.

À votre retour d’une récente tournée en Afrique, vous vous êtes exprimée sur le sentiment anti-Français dans la région. Quel est votre constat de la situation ? Dans quels pays est-ce le plus prononcé ?

La population, et les jeunes en particulier, a changé très rapidement, notamment dans ses aspirations pour une vie meilleure, qui passe par un accès à l’éducation, puis une carrière qui leur permet de vire décemment. La France, qui dans la plupart des anciennes colonies a longtemps conservé une place privilégiée, a graduellement réduit ses moyens et donc sa présence dans tous les domaines d’activité. D’autres pays tels que la Chine, la Russie, la Turquie et certains pays du Golfe nous ont rapidement remplacés.

Aujourd’hui, le sentiment exprimé va de l’hostilité à l’indifférence. Il est urgent de réinvestir ces régions que nous avons délaissées pour des raisons d’économies budgétaires alors que nous avons un avenir à bâtir en commun.

Diriez-vous qu’il s’agit d’un sentiment partagé par d’autres nations autour du monde ?

Non parce que nous n’avons pas le même passé colonial et n’avons pas non plus entretenu les liens que nous avons conservés pendant longtemps avec les pays africains. J’entends plutôt l’expression de regrets du fait de notre absence ou de notre manque d’intérêt.

Quels sont les facteurs qui, selon vous, entraîneraient ce genre de sentiment à l’égard des expatriés français ? Quelles sont les catégories d’expatriés les plus ciblés ?

D’abord, le nombre d’expatriés est très limité, souvent réduit aux seuls postes de direction. La grande majorité sont des résidents permanents, installés depuis très longtemps, parfaitement intégrés, et participant au développement économique des pays. N’oublions pas que 40% de nos ressortissants sont des binationaux, souvent nés dans le pays. Pour toutes ces raisons, nos compatriotes ne sont pas ciblés directement par ce sentiment anti-Français, même s’il les affecte parce qu’ils le ressentent très fortement. D’ailleurs, ce sont plutôt les emprises françaises qui sont attaquées pour marquer l’expression de ce rejet par certains et non les personnes.

Qu’est-ce qui, selon vous, pourrait ou devrait changer ?

Il faut une présence qui réponde aux souhaits de nos amis africains, à leurs besoins en matière de développement et également une politique des visas qui ne soit pas une arme d’exclusion mais fasse partie intégrante de notre diplomatie d’influence.

Selon vos observations, dans quels pays les Français sont-ils les plus et les moins intégrés ? Pour quelles raisons ?
Généralement, ils sont très bien intégrés dans l’espace Schengen de par une mobilité facilitée par l’absence de frontière, par la reconnaissance des diplômes et par des systèmes sociaux (santé, éducation, enseignement supérieur) peu ou prou semblables à ce que l’on peut trouver en France. Il en est de même dans les pays aux cultures très différentes. Celles et ceux qui font le choix de s’intégrer le sont parfaitement.

Quel regard portez-vous sur l’émigration française ? Dans quels pays les Français sont-ils les plus nombreux à s’installer et pourquoi ?

L’émigration française est liée à trois raisons principales : les études, le travail et la retraite. Partir à l’étranger par choix ou pour une raison professionnelle est une chance. Ce fut mon cas. J’invite chaque Française et Français, s’ils en ont l’opportunité, de partir s’établir à l’étranger quelques années. Cette émigration doit perdurer car c’est de cette manière que les Français s’essayent à de nouveaux modes de vie et élargissent leur regard sur le monde. C’est l’émigration qui casse l’ethnocentrisme.

Aujourd’hui, nos communautés françaises les plus nombreuses se trouvent en Europe (Suisse, Royaume-Uni, Belgique, Allemagne, Espagne). Les plus importantes communautés dans le monde sont souvent implantées dans des régions francophones où la barrière de la langue ne constitue pas un frein à l’émigration. D’où la nécessité de renforcer l’apprentissage des langues étrangères à l’école, dès le plus jeune âge.

Je rajouterai qu’Erasmus, Erasmus+, les VIE, VIA, VSI et tous les programmes qui soutiennent la découverte du monde par les jeunes ont très largement participé à l’accès à la mobilité au plus grand nombre, ce qui explique une implantation plus forte chez nos voisins européens.

À votre avis, que recherchent les Français lorsqu’ils partent vivre à l’étranger ?

Pour certains, ce choix s’impose à eux car leur entreprise a besoin de leur présence dans un pays étranger. Pour d’autres, l’envie de découvrir une nouvelle vie, de nouvelles cultures, de nouvelles langues. S’expatrier, c’est une forme d’aventure dont il faut savoir profiter et c’est ce que beaucoup recherchent.

Nous avons également en France, dans notre ADN collectif, le sens de l’entrepreneuriat et l’envie de partager notre culture. Beaucoup s’expatrient pour faire connaître les savoir-faire français, que ce soit dans la gastronomie, la mode, les cosmétiques, le tourisme ou l’artisanat. D’une certaine manière, ils restent liés à la France tout en vivant dans un pays tiers à la culture et aux traditions différentes.

On dit souvent des Français qu’ils sont des « râleurs », et qu’ils sont nombreux à manifester ce genre de comportement lorsqu’ils s’installent à l’étranger. Qu’est-ce qui, selon vous, entraînerait cette éternelle insatisfaction ?

Les Français passent pour des râleurs mais c’est parce qu’ils sont exigeants et recherchent en permanence le meilleur. Nous sommes gâtés par notre patrimoine culturel, ce qui nous amène à la recherche de l’excellence dans tous les domaines. Notre actuel président de la République nous avait qualifiés un jour de « Gaulois réfractaires » pour parler de notre aversion au changement. Pourtant, celles et ceux qui partent à l’étranger sont justement à la recherche de la différence, de l’Autre.

Quels sont, pour vous, les clés d’une expatriation réussie, que l’on soit professionnel, entrepreneur, étudiant ou retraité français ?

Les clés sont différentes suivant le type d’expatriation. Dans le cas professionnel, cela peut être une expatriation en famille. Il faut alors bien préparer son départ avec une multitude d’informations qui sont à disposition grâce aux relais locaux, aux conseillers des Français de l’étranger, aux représentations diplomatiques et consulaires, aux associations locales ainsi qu’au site du ministère. Dans le monde des affaires, les chambres de commerce et d’industrie et les conseilleurs du commerce extérieur sont incontournables. Certains de nos compatriotes partent à l’aventure et s’installent durablement dans un pays pour lequel ils ont un coup de cœur, souvent suite à des vacances ou à un séjour linguistique. D’autres enfin vont s’installer dans des pays ensoleillés où leurs modestes retraites leur permettent de vivre confortablement.


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